Il y a deux ans, j'étais sur le point de faire mon premier voyage en Guadeloupe. C'était à l'occasion de la Retraite Féminin Sauvage, organisée par Emmanuelle. Je me souviens encore ma joie à l'idée de ce voyage. Je partais alors avec Audrey et Stéphanie, nous rejoignions Emmanuelle et Priscilla déjà là-bas. Il était clair pour moi que j'allais à la rencontre de la puissance des éléments et de la nature. Je venais me confronter à l'inconnu pour m'assurer que ce que je vivais chez moi était bien en moi et pouvait s'exprimer où que je sois. Je me souviens de ce matin-là, de ce trajet vers l'aéroport de Marignane et de cet au revoir à mes parents qui nous avaient accompagnées. Ce souvenir a aujourd'hui une saveur toute particulière.
Je jette un œil en arrière, il s'en est passé des choses en deux ans !!! Je revois mon père et ma mère m'embrassant et me souhaitant un bon voyage, et ma mère d'ajouter « sois prudente ».
Deux ans, c'était hier et pourtant ça me semble une éternité !
Le décès de mon père a marqué et accentué la transformation, ma transformation. Son absence a redistribué les cartes, le deuil a même changé quelques règles du jeu. Cette année, c'est avec Emmanuelle et Priscilla que je suis partie quelques jours avant le début de la Retraite Féminin Sauvage, Edition II.
Ce départ suivait de quelques jours le WE Thana, Le Passage (article de blog ici). La vie a fait de ce week-end habituellement vécu au mois d'avril le préambule de ce voyage en Guadeloupe. Avant de faire le récit de mon voyage là-bas, je souhaite vous partager ce que j'ai mis dans ma valise au sortir de ce WE Thana, le Passage. Une pointe d'humour m'amènerait à vous dire « maillot de bain et serviette de plage », voilà c'est fait !!! Plus sérieusement, dans ma valise, j'ai mis : le respect de moi-même. En tout cas, un respect différent, un respect qui m'inclut dans l'équation. C'est pas mal, ça ! Je m'explique : j'accueille toujours dans l'instant ce que l'autre vit mais je ne nie plus l'impact que cela a sur moi. Cela me permet de réajuster mes limites et mes choix en fonction de ce que je suis ok de vivre ou revivre… ou pas.
La Guadeloupe : l'accueil de la nature
Notre arrivée en Guadeloupe s'est faite cette année de jour, quelle merveille de voir la beauté du paysage à l'approche de l'île. Je ne peux m'empêcher de vous partager quelques photos.
Dès notre arrivée, j'ai été happée par les couleurs, les odeurs, l'humidité et cette douce intensité naturelle que je respirais et qui m'imprégnait.
Le temps de récupérer une voiture de location et direction Le Manganao. Sur place, nous récupérions notre appartement pour ces trois jours pré-retraite. Les restaurants fermés et les parkings déserts nous confirmaient que nous étions bien en saison creuse. Nous trouvions néanmoins de petits restos pour nous délecter des mets locaux.
Ces trois jours étaient là pour nous permettre de nous habituer au décalage horaire, prendre nos marques avec cette nuit noire précoce qui m'impressionne toujours autant. Ils étaient là aussi pour que nous nous retrouvions ensemble et prenions le temps de repérer concrètement les lieux où nous proposerions les différents ateliers de la semaine. Nous allions ainsi de lieu en lieu, arpenter tantôt des plages paradisiaques dignes des plus belles cartes postales, tantôt des forêts humides à la végétation diversifiée et dense. Cette année, il était prévu que Céline, la quatrième intervenante nous rejoigne le dimanche, veille du début de la Retraite.
La Guadeloupe : le lieu magique, la Rivière Caillou
J'adore ces moments de découverte, chaque lieu a son charme, son ambiance. Mais j'avoue que découvrir le lieu sélectionné pour la journée de mon propre atelier est toujours un moment émouvant. Je suis alors comme une enfant face au mystère. Et une fois encore, quel bonheur !!!
Comment ne pas s'émerveiller de devoir traverser à plusieurs reprises cette rivière dont les pluies des jours précédents avaient augmenté le débit et la profondeur ; crapahuter à la recherche du sentier menant à la cascade dite « secrète » ; s'arrêter aux pieds de cet arbre majestueux suspendu au-dessus de la rivière et dont les racines surprenantes le maintiennent en l'air. Ces racines ancrés à la terre d'un côté, frôlant la surface de l'eau sous le tronc et agrippées au rocher énorme qui trônait de notre côté m'invitaient immédiatement à projeter une partie de mon atelier ici, au milieu d'elles.
Après avoir escaladé quelques rochers encore, nous voilà au bassin de la première cascade, c'était là que je ferais mon atelier du nom de « la transformation ». Plusieurs bassins et cascades surplombaient celui-ci. Mais c'est en voyant sur la gauche cette pierre sortant de la falaise, taillée naturellement et présentant une face plate dans sa verticalité et arrondie sur le dessus que l'évidence s'était posée. Etait-elle un miroir ? une porte ? une pierre tombale ? Peu m'importait, c'est elle qui avait fait la différence.
Je me posais un instant, nos regards se croisèrent, Emmanuelle savait que ce lieu me correspondait totalement. Les idées fusaient… je laissais faire. Le travail se faisait, j'enregistrais visuellement les espaces qui avaient attirés mon attention, dans lesquels je m'étais arrêtée quelques secondes, quelques minutes parfois. Pour certains, je sus spontanément ce que je allais y proposer. Mon atelier se dessinait au rythme de cette randonnée que je vivais comme une aventure. Seul l'espace central où nous nous trouvions ne me délivrait pas encore clairement ce que nous y ferions. Je n'insistais pas car je savais que le travail de création était engagé. Et qu'il se nourrirait aussi de ce que chacune aurait proposé et vécu sur les premiers jours de la Retraite.
J'étais heureuse et c'est enveloppée de ce sentiment là que j'abordais le chemin du retour vers la voiture.
La Guadeloupe : les relations humaines
Comme je l'ai mentionné plus haut, ces trois jours pré-retraite nous permettent de nous retrouver pour reprendre nos marques dans notre vie ensemble et nos interactions. Nous sommes toutes différentes avec des caractères affirmés et surtout nous arrivons avec dans nos valises, et non, pas uniquement notre maillot et notre serviette mais notre fatigue, nos tracas, notre envie et notre motivation aussi. Il nous faut harmoniser tout cela dans une ouverture à la rencontre et à la communication pour être disposées à accueillir les participantes et à leur laisser la place.
Ce temps que nous nous accordons pose l'ambiance dans laquelle l'accueil se fait et nous pose comme le cadre sécure de ce séjour aussi bien dans les ateliers que dans le cadre résidentiel et les activités annexes proposées (les surprises!).
Ensuite le groupe se forme au rythme des arrivées à l'aéroport pour être complet le dimanche au soir. Le gîte est alors investi librement.
La Guadeloupe : la retraite spirituelle
Cette retraite dont le nom est peu équivoque s'adresse aux femmes : Retraite Féminin Sauvage. Elle est organisée par Emmanuelle. Elle invite chacune à contacter sa liberté d'être, à écouter ce que son corps dit, à connecter la force de la sororité, à sortir du jugement et du regard des autres… à se vivre pleinement en accueillant les sensations, les émotions, les résistances et les envies.
Ce séjour invite à une rencontre de soi à soi dans cet environnement où tout est imprévisible et pourtant où tout semble possible. Et c'est vraiment ce que j'observe, l'ouverture dans le respect de soi du champ des possibles.
Alors oui, cela se vit dans toutes les retraites et les week-ends que nous organisons ensemble ou séparément. Mais ce voyage pousse à un engagement immédiat avec soi : prendre le billet, faire le voyage parfois seule et pour la première fois, partir loin et longtemps, vivre dans une communauté d'inconnues…
Et même si on connaît la Guadeloupe, je pense qu'elle nous invite toujours à l'imprévisible et l'inconnu. La nuit noire nous surprend par son intensité et sa précocité, le chant des grenouilles enchante les soirées invitant presque à la danse, la végétation luxuriante et si présente nous oblige à l'observation, les éléments intenses nous poussent à la présence vraie.
La Guadeloupe : ma transformation
Mon expérience en venant en Guadeloupe s'est posée comme pour la première fois, dans la confirmation que ce que je ressens et vis dans mon environnement proche et habituel est bien ancré et pas seulement dans son expression parce que le cadre est connu et sécurisant pour moi. Cette expérience me met face à moi-même et me révèle avec honnêteté si je suis bien dans ce que je me raconte.
Et cette année, j'ai pu voir que ma sécurité intérieure est encore plus forte et réellement installée, j'ai pu le constater dans tous ces petits riens qui changent tout.
Sur cette semaine, j'ai accepté de conduire et je l'ai fait sans aucune appréhension et sans me sentir obligée de le faire pour faciliter l'organisation ou autre. J'ai franchi tous les portiques de sécurité et j'ai fait face à l'autorité à l'aéroport sans la moindre sensation d'être coupable de ce de quoi ils voudraient bien m'accuser. J'ai traversé les aéroports pour rejoindre les correspondances sans la moindre angoisse de ne pas trouver la porte d'embarquement ou me presser de peur de rater l'avion. Je sais que beaucoup se reconnaîtront dans ses peurs parfois irrationnelles ou du moins inexplicables.
Ces changements de comportements sont le signe d'une transformation profonde. Je pense qu'elle est possible dès lors qu'on se rappelle que notre ressource première est l'adaptabilité. Et je ne peux nier que les décès vécus l'année dernière et le deuil vécu encore aujourd'hui sont venus travailler cette transformation encore plus profondément.
Voir pleinement ce qu'induit cette capacité d'adaptation ouvre à une assurance naturelle.
Ce qui a pu se vivre dans l'accompagnement des participantes tout comme ce que nous avons pu vivre entre intervenantes pendant la retraite mais pas plus tard qu'hier soir lors de notre réunion post-retraite, me montre que je ne suis plus hyper réactive à la manipulation consciente ou inconsciente de l'autre, que je ne suis plus régie par ma peur de décevoir, de ne pas plaire… ne plus être aimée. Cela rejoint le respect dont je parlais au début de cet article de blog. Oui, je suis toujours moi, dans ma sensibilité, mon écoute, ma capacité à être là pour l'autre mais cette justesse fait que je ne m'oublie pas, que je ne m'exclus pas moi-même de l'équation. Alors oui, je respecte totalement ce que vit l'autre, sans jugement mais plus en niant l'impact que cela a sur moi, plus en me négligeant pour être au service de l'autre, on entend bien ici « en ne me négligeant plus pour continuer à être aimée de l'autre et lui plaire ».
En parlant de l'empathie humaine, I. Métais Guyader dit "Il s'agit de rester neutre, de trouver un juste équilibre entre une compréhension compatissante et un état de détachement total de la situation. Une personne empathique est très sincère bien sûr et elle peut être touchée par l'autre mais elle a la capacité de garder une certaine distance. Elle cherche plus à communiquer qu'à plaindre. Elle demande de faire le choix humble et vrai de comprendre l'autre sans en attendre quoi que se soit en retour."
Elle est là ma transformation profonde actuelle. Et je sais que mon expérience personnelle de deuil, de l'absence de mon père, des décisions et des responsabilités prises avec mes frère et sœur, de la mobilisation en cours pour accepter ma nouvelle réalité sans lui, et aussi, l'expérience faite avec ma famille de la beauté du lien libre d'amour, ce lien libre de définition, de croyance, d'attente et de règle m'ont assurée de ma force, de mon appartenance, de l'amour si léger et si puissant dans sa simplicité. Notre expérience commune a ancré qu'il n'y a aucun besoin à se prouver qu'on s'aime, le lien qui nous unit est autonome et sait s'activer dans le besoin personnel ou commun des membres de la famille.
Vivre le deuil « seule ensemble » m'a déjà tellement enseigné. J'ai expérimenté que même si l'expérience est commune, chacun la vit dans sa singularité, c'est à respecter mais cela n'empêche pas le respect de soi et le respect de soi n'amène pas à l'égoïsme, bien au contraire il apporte justesse et légèreté dans le lien.
J'ai appris hier que la Retraite Féminin Sauvage aussi se transformait et que la prochaine Edition s'ouvrira normalement aux hommes pour qu'ensemble nous nous connections à la Terre Sauvage de Guadeloupe.
Ma transformation d'aujourd'hui contribue à ma transformation de demain et deviendra rapidement une étape parmi tant d'autres de mon chemin de vie… une nouvelle petite mort pour un grand renouveau.
J'ajoute ce texte qui me parle tant et je remercie mon amie Magali de me l'avoir partagé.
"Les choses arrivent à qui est disponible pour les vivre, les entendre ou les voir. C’est formidable d’être à la disposition de son destin.
Sinon, que se passe-t-il ? Rien.
Se laisser guider par son instinct, suivre des chemins inconnus où tout devient important. Avoir le sentiment d’être de nouveau un enfant. Être curieux du monde et apprendre sans cesse. Tout a du sens quand on est comme cela, en voyage dans sa vie."
Jacques Higelin
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