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Accompagner autrement : un chemin de transformation entre deuil, choix et présence

Dernière mise à jour : 25 juil.



Nous imaginons souvent la transformation comme un grand bouleversement, une mue soudaine et radicale. Pourtant, ce que je vis depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, me montre autre chose.

Ce que j'appelle aujourd'hui transformation ressemble davantage à une continuité profonde. Elle ne balaie pas ce qui a été, elle s'appuie dessus. Elle naît des matériaux déjà présents, ceux que j'ai patiemment reconnus, travaillés, éprouvés, laissés reposer ou laissés de côté parfois.



Sculpture de cercles imbriqués symbolisant les étapes successives de la transformation intérieure.
Sculpture Plaine d'Abraham, Québec

Cette transformation se tisse dans les couches successives de deuils symboliques, de choix réajustés, d'élans écoutés.


Sur ce chemin qui est le mien, une ressource s'est révélée dans toute sa force, subtile et discrète : l'adaptabilité. Celle-ci m'a permis de modifier mes engagements, mes croyances, d'accueillir l'imprévu, de me laisser transformer par ce que la vie m'a proposé de vivre, et parfois m'a imposé. Alors, transformer, ce n'est pas changer de cap du jour au lendemain : croyance remaniée. C'est ajuster le mouvement, respirer avec lui, et laisser de nouvelles formes, de nouvelles couleurs apparaître.


Depuis fin 2022, un mouvement intérieur puissant s'est enclenché. Il ne cesse, depuis, de me montrer que ce qui se transforme en moi ne vient pas de nulle part. Il vient de l'intérieur, de mon vécu, de l'expérience qui clarifie et cherche une nouvelle forme.

Une forme plus juste, plus simple, plus essentielle… épurée.


Et peut-être que c'est là, l'évidence la plus claire de ces derniers mois :

Accompagner à vivre en conscience, c'est aussi accompagner à mourir en conscience. C'est finalement accompagner le cycle complet de la vie, depuis ses élans jusqu'à ses fins, sans rupture, sans hiérarchie. Juste en étant là pleinement.


2022-2023 : Quand le deuil initie


Il y a eu, fin 2022, comme un appel sourd, un murmure.

Un besoin fort de réajuster, de repenser ma place, ma manière d'accompagner, mes priorités. Rien de brusque, mais une sorte de lucidité qui s'installait peu à peu. Un pressentiment, aussi, que quelque chose allait changer, et que cela amènerait à un recentrage, une écoute plus fine encore de ce que la vie, et la mort, enseignent.


Je crois que le processus de deuil ne se résume pas à la perte d'un être cher. Nous le traversons bien plus souvent que nous l'imaginons. Chaque transition, chaque rupture, chaque choix vécu dans la douleur, dans l'inconfort souffrant engage le processus de deuil. Et c'est là, précisément, qu'il devient moteur de transformation.


Le décès de mon père, début 2023, a été à la fois une épreuve et un élan. J'ai pu sentir que tout avait sa place dans ce moment si particulier. Son décès a profondément réaffirmé ma conviction quant à l'importance d'un accompagnement humain, d'une présence véritable, silencieuse parfois, mais entière.

Cette expérience m'a confirmé que l'accompagnement de la fin de vie et du deuil n'est pas, pour moi, simplement un champ d'intérêt ou une compétence acquise, c'est une évidence intérieure, je dirais même une direction enracinée.



Femme accroupie en pleine réflexion, les mains posées sous le menton, exprimant une pause introspective au cœur du cheminement intérieur.
Crédit photo Or-photographie

A partir de là, ma manière d'accompagner a commencé à évoluer. Elle a pris sa place en étant moins centrée sur le thérapeutique au sens classique et plus orientée vers la reconnaissance et la traversée des deuils symboliques, encore plus attentive à ce qui se défait et à ce qui cherche à émerger.



Suivre ce qui appelle


Il y a parfois en nous une voix que nous étouffons, une guidance qui nous semble trop vaste, trop floue ou simplement prématurée. Puis vient le moment où cette voix devient impossible à ignorer, elle devient une force invisible.


Ce moment, je l'ai vécu début 2023.

Avec l'élan né du deuil, et aussi d'un discernement nouveau suite à mon expérience personnelle de perte, je ressentais le besoin profond de transmettre. J'avais envie de créer des espaces collectifs de réflexion, de parole et d'échanges autour de la mort et du deuil.


C'est de cela qu'est né le Suivi Thana, un accompagnement sur un an, en Visio, à raison d'une rencontre par mois. Deux groupes, deux cercles qui se retrouvaient de temps à autre, pour explorer ensemble des sujets essentiels comme la mort, le deuil réel ou symbolique, l'accompagnement des proches, les croyances, les peurs, les transformations etc.


Je souhaitais offrir un cadre de confiance, un temps régulier, stable, pour penser, ressentir, écouter et dire.

C'était pour moi, ouvrir un lieu où nous n'étions pas dans l'urgence ni dans la réparation, mais dans l'intégration progressive ; un lieu pour apprendre ensemble à vivre avec la finitude, sans se renfermer, sans fuir, sans faire semblant.

Ce suivi est devenu, très vite, plus qu'un accompagnement. Il s'est révélé être une forme de transmission vivante, une graine posée que je ne pouvais pas encore nommée « formation ».


Si je suis honnête, je transmets depuis longtemps. Dans mes échanges, dans mes accompagnements, dans mes partages… mais quelque chose en moi résistait à le reconnaître pleinement, peut-être l'humilité, très certainement des croyances et des préjugés. Ce qui est sûr, c'est que je ne m'autorisais pas encore à nommer ma posture pour ce qu'elle était vraiment, celle de quelqu'un qui accompagne c'est sûr, mais aussi de quelqu'un qui transmet.


Aujourd'hui, je le vois autrement : transmettre n'est pas se mettre dans la puissance du sachant, la posture nous est propre, c'est oser partager ce que nous avons traversé, ce que nous avons intégré, ce que nous continuons d'apprendre et d'expérimenter. Cela aussi fait partie de la transformation.


Les arrêts qui repositionnent



Main posée au sol parmi des feuilles mortes, symbolisant l’arrêt, le deuil symbolique et la transformation enracinée dans l’expérience.
Crédit photo A. Chevron

Parfois c'est le coup d'arrêt, le contretemps… l'imprévu !


En 2024, une opération avec une petite complication m'a contrainte à un arrêt plus long que prévu. Ce temps de pause imposée, je ne l'ai pas choisi, mais il m'a offert une chose précieuse : du recul. J'ai pris le temps de ressentir ce qui, en moi, était en train de changer, de s'aligner, et ce qui, déjà, ne faisait plus sens.


Cette opération a aussi laissé une trace inattendue, en effet, j'ai perdu une partie de l'aisance de ma voix, outil de travail au cœur de mon accompagnement. Parler devenait parfois difficile, douloureux, je ne reconnaissais plus ma voix, ne pouvais plus l'utiliser comme avant. Il m'a alors fallu faire un deuil, celui de cette voix fluide, puissante, celle que j'avais construite, celle avec laquelle je guidais, j'accompagnais. Ce fut un deuil symbolique profond et intense. Il me confrontait à la perte d'une outil précieux, que je pensais fondamental, et en même temps, il me révélait que ma voix, au sens large ne tenait pas qu'aux compétences de mes cordes vocales.


Cette perte m'a poussée à m'engager autrement, à ne plus attendre et à suivre la voie qui s'imposait déjà à moi intérieurement.

Comme si la voix entravée libérait la voie à suivre.

C'est pendant cette période que j'ai entamé la formation à la Faculté Fin de Vie de l'école d'accompagnement Cybèle.

Ce fut comme une confirmation, elle renforçait un ancrage profond :

« Oui, je veux accompagner les personnes en fin de vie.
Oui, je veux soutenir ceux qui traversent le deuil.
Et oui, je veux continuer à explorer, à partager, à transmettre ce que j'ai compris de ces passages de vie. »

Cette formation n'a pas été un point de départ, mais plutôt une reconnaissance de ce qui était déjà en place en moi. Elle a mis des mots, un cadre soutenant à ce que j'explorais depuis des années à travers mes accompagnements. Elle a aussi été le déclencheur d'un choix, celui de transformer le Suivi Thana en véritable formation, de déposer officiellement le cadre, d'obtenir un numéro de formatrice, de donner à cette transmission sa juste place.


Ce n'était plus un prolongement spontané de mon activité, c'était un engagement.


Femme en contact avec un arbre, incarnant l’écoute, l’ancrage et le lien au vivant dans le processus de transformation.
Crédit photo A. Chevron


Un recentrage assumé


Il n'a pas forcément fallu que tout devienne plus clair. Je savais. C'est ce qui invite chez moi la simplicité. Je vous l'accorde la simplicité, ce n'est pas facile. Cette simplicité demande du courage, et de ne pas se lâcher la main.

Ce courage, c'est celui de dire non à ce qui ne résonne plus, même si cela a fait partie de moi, celui de dire non à ce qui est confortable et établi, à ce qui, un temps, a eu du sens, pour laisser la place à ce qui est à construire, à porter et à animer.

Au fils des mois, j'ai vu se dessiner l'évidence pour pouvoir pleinement accompagner en fin de vie, pour pouvoir être disponible aux endeuillés. Il fallait que je fasse de la place, pas symboliquement mais concrètement.


J'ai donc pris la décision d'honorer les engagements déjà posés -co-animation de retraites spirituelles, week-ends thérapeutiques- mais de ne plus les reconduire pour le second semestre 2025. Pas de nouveaux ateliers, pas de nouvelles créations collectives de tambours, j'ai néanmoins choisi de conserver quelques WE Thana « Être, vivre & mourir » :

Le WE Thana, Le Passage en Avril

Et, en co-création avec Emmanuelle Guiard-Paulos, La Retraite Human, chaque début d'année en Afrique.


Mais tout le reste, je le laisse. Non pas dans le rejet, mais dans la reconnaissance de l'expérience enrichissante vécue. Elle m'a nourrie, transformée et amenée à ce que je vis.

Je veux être disponible pour cet accompagnement qui demande une présence pleine.



Laisser la place pour ce qui vient



Femme assise face à un lever de soleil depuis un sommet, symbolisant l’ouverture à un nouveau cycle et la clarté intérieure.


Quand nous choisissons d'alléger, nous ne faisons pas le vide. Nous créons de l'espace. Cet espace, je le souhaite aujourd'hui disponible et dédié à cet accompagnement spécifique qui demande une adaptabilité temporelle plus grande.


A mon retour du Kenya cet été, j'aurai encore quelques dates à honorer, je le ferai avec joie.

Ce sera la fin d'un cycle.

Et dès septembre, je reprendrai contact avec la Maison de Gardanne, spécialisée dans les soins palliatifs et l'accompagnement en fin de vie, pour envisager une intervention régulière en tant que bénévole, un jour par semaine.

Cela fait longtemps que j'y pense, longtemps que cela m'appelle. J'y pensais déjà au début de mon activité professionnelle, il y a maintenant une quinzaine d'années, en tant qu'animatrice artistique.

Jusque-là, je n'avais pas la disponibilité nécessaire pour m'engager pleinement dans cette présence-là, celle qui demande de s'effacer un peu, d'écouter plus que de dire, de s'adapter au rythme de l'autre, du corps, du temps qu'il reste.


Aujourd'hui, je sens vraiment que cet accompagnement a sa place dans mon quotidien professionnel, pas comme une activité parmi d'autres, mais comme un pilier.

Pour cela, je fais le choix de ne pas multiplier les offres, les formats, les engagements, mais de laisser advenir ce qui s'ajuste naturellement à ce projet qui s'affirme.


Ce recentrage me permet aussi de continuer à accompagner autrement à travers :

Les WE Thana, Vivre Encore, pensés pour les proches aidants et les personnes endeuillées

La transmission, sous forme d'une formation vivante, la formation Thana, bientôt une version e-learning, je l'espère.



Deuils, choix, et présence : un chemin de transformation


Actuellement, ce que je vis n'est pas une fin ni un aboutissement. C'est une consolidation intérieure, une densité nouvelle dans ma posture, dans ma présence, dans l'assurance de mes choix.


Ce que j'ai construit au fil des années ne s'efface pas. Il se transforme. Et ce que je ressens aujourd’hui, c'est le besoin, et la capacité d'ouvrir encore davantage d'espaces-temps pour l'accompagnement en fin de vie, pour le deuil, et pour toutes les transitions profondes que la vie propose.


Mes projets s'esquissent dans cet élan :

Vivre pleinement mon engagement en tant que bénévole

Déployer la Formation Thana en e-learning

Intervenir dans d'autres espaces tels que les pompes funèbres, les institutions, les associations etc. pour ouvrir des espaces de rencontre et échanger sur ces sujets trop souvent laissés dans l'ombre.

Continuer à transmettre, à partager, à accompagner… à ma manière, dans ma sensibilité et ma simplicité.


Je sens que cette transformation n'est pas un tournant, mais un tissage. Elle réunit ce que j'ai été, ce que je suis, ce que je deviens déjà. Et comme toujours, je me tiens la main. Je me suis. J'avance avec douceur, avec simplicité, avec la confiance tranquille de celle qui sait que nous pouvons transformer sans tout détruire, que nous pouvons choisir sans nous trahir.


Ma philosophie a toujours été de mettre dans la matière ce qui m'habite et m'anime, comme je l'ai fait pendant tant d'années avec la peinture à l'huile. Et si cela ne fonctionne pas comme je l'imaginais, j'observe, je laisse la place à la discussion, je module et j'ajuste…



Main tendue hors d’une voiture en mouvement, incarnant le lâcher-prise, le mouvement fluide et la confiance dans le processus de transformation.
Crédit photo P. Gissot

Je respire, une inspiration après une expiration etc.

J'initie le mouvement, et je le suis.

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