Mes croyances : voyage entre deux mers
- Sylvie, Thérapeute, Thanadoula Palliathérapeute
- 21 avr.
- 9 min de lecture

Je travaille depuis plusieurs années maintenant dans le domaine de l'accompagnement thérapeutique dit holistique, avec une spécialisation dans l'accompagnement de la fin de vie et du deuil. La spiritualité y a pris une place importante avec son lot de croyances.
Je me suis toujours sentie en marge d'un grand nombre de ces dernières. Beaucoup font écho, selon moi, au dogme de l’Église avec cette croyance que « devenir meilleur » est le but de sa vie ; d'autres nous projettent dans des cultures lointaines, nous laissant entrevoir que c'est toujours mieux ailleurs, que le vrai est ailleurs, dans le fond, elles rejoignent finalement la première… je ne veux pas faire ici l'énumération et l'analyse des différentes croyances qui teintent notre monde.
Je reste convaincue que chacune d'elle, si elle est accompagnée de bienveillance et d'honnêteté peut être une étape pour accéder à soi.
Cet article de blog est une réflexion personnelle, elle n'engage que moi.
Entre deux mers, croyances et influences : une enfance contrastée
J'ai eu la chance de naviguer entre deux mers. Je souris en écrivant cela de cette façon car il est vrai que mon père avait un côté très maternant.
Je naviguais sur une mer plate, celle où flottait notre barque, elle suivait un flux invisible qui imposait une confiance aveugle. Sur cette dernière, ma mère et ma grand-mère maternelle tenaient la barre. Elles m'emmenaient ainsi chaque semaine à la messe, nous faisions escale chaque soir pour la prière et pour chaque fête religieuse, nous suivions les règles du bon chrétien.
De cette virée en eau calme, je retiens la joie d'appartenance, la communion par la voix et le toucher, la beauté de la prière et la confiance dans l'invisible.
Sur le radeau où se trouvait mon père, je m'y asseyais et nous nous laissions porter par le vent. Qui dit vent, dit mer en mouvement. J'allais de cette barque à ce radeau librement et j'aimais ça. De vague en vague, mon père me racontait qu'il croyait en l'humain et en ses capacités. En posant ces mots, je fais le rapprochement avec cette notion qui est chère à mon cœur « le seul ensemble ». Sur ce radeau, nous étions seuls et pourtant reliés à cette nature qui est la nôtre, l'humanité.
De cette balade en eau mouvante, je retiens la liberté, la joie de l'appartenance, la beauté du voyage et la confiance dans le visible et le concret.
Ma construction à partir de mes croyances
Rédiger le paragraphe précédent me conforte dans ce que je perçois de moi et dans ce qu'est ma croyance et donc ma réalité.

En effet, en vous partageant ces informations, je vous fais part de mon histoire, de mon passé. Et même si aujourd'hui j'ai tracé ma propre voie, construis mon propre bateau, c'est ce passé qui en est le matériau principal. J'accepte qu'il soit en moi, qu'il soit vivant. Et c'est parce qu'il est vivant en moi qu'il peut se transformer au rythme de mes compréhensions et surtout de ma réappropriation de cette information qui se veut neutre, qui se veut mienne.
Alors oui, à première vue, je pourrais penser que j'ai opté pour le radeau pourtant je dirais plutôt que j'ai pris conscience qu'il n'y a qu'une mer, et que je me suis bâtie à partir de chaque escale et de chaque vague rencontrée. J'ai construit mon bateau et je navigue sereine riche de mon expérience acquise sur ces deux embarcations.
Cette expérience est dans ma mémoire, elle s'active comme une boussole pour me permettre de faire vibrer mes valeurs et de faire des choix qui sont les miens, parfois teintés de ceci, parfois teintés de cela, parfois neutres et toujours miens.
Alors aujourd'hui dans de nombreuses approches, on nous dit « il faut lâcher prise », « il faut être dans l'instant présent », « il faut faire taire le mental », « il faut oublier le passé », « il est temps de faire votre deuil »... mais de quoi parle-t-on ?
Ma croyance : le passé dans le présent
Si je pars de ma croyance, le passé n'est pas derrière moi, il est en moi. De ce fait, si je suis dans l'instant présent, le passé est dans l'instant présent. J'irai plus loin même, je suis le passé, je suis l'instant présent donc le passé est l'instant présent. Il est aussi le futur que je construis dans cet instant présent à partir de mon passé.
Vous me suivez ?
Je me vis comme un flux ininterrompu dans un espace temps non cloisonné. Je suis dans la perpétuelle construction du chemin que je suis et que j'éclaire à chacun de mes pas. C'est ainsi que s'éclaire aussi le processus de deuil : la vie est un flux en perpétuel mouvement et nous invite à une constante transformation pour nous adapter à la réalité changeante de chaque instant.

L'accompagnement thérapeutique holistique : la trame posée par ma croyance
Le passé vit en nous.
Nous sommes fait du passé. Nous pouvons envisager de trouver la bonne distance pour accueillir son information comme une base de données neutres nous permettant de tracer la partie de la carte de la trame familiale encore vierge et pas que… En effet, nous portons le passé de notre propre histoire mais nous portons aussi celui de nos lignées, celui de la société, celui du monde… Je suis sûre que vous vous êtes souvent dit « mais cela ne m'appartient pas ». Alors ne nous leurrons pas ce n'est pas sur le passé que nous travaillons mais sur notre rapport à ce passé qui vit en nous.
L'accompagnement thérapeutique permet de se placer à la bonne distance tout en mettant en mouvement ce passé duquel il est indispensable de libérer les traumas qui rendent finalement notre lien à nous même toxique. Nous travaillons souvent sur les liens toxiques avec nos parents ou autres mais au final, c'est avec nous-même que nous sommes dans un lien toxique. Comment ? en nous identifiant pleinement et très souvent inconsciemment à notre histoire et à celle de nos lignées. Nous restons alors cristallisés dans le passé et perdons de vue une évidence : le passé a changé en même temps que nous puisqu'il « est » nous. La croyance souffrante : nier que le passé que nous portons (pas l'événement vécu dans le passé) et ses empreintes ont changé en même temps que nous.
L'image qui me vient est la suivante : Le passé que nous portons (souvenir) est comme ce film que nous regardons au cinéma ou à la télévision. Certaines scènes sont vécues avec détachement et d'autres viennent nous happer et nous inviter à une projection où nous devenons chaque événement, chaque personnage... nous ressentons chaque émotion. Nous réfléchissons alors et créons toutes les solutions possibles pour finalement écrire nous-même le scénario final.
En comprenant nos mécanismes, nous reprenons notre pouvoir personnel, c'est pour moi toute la beauté de l'humain que nous sommes, l'être incarné.
Ma Foi en l'Humain est ma croyance, c'est la seule teinte de ma spiritualité.

Ma croyance : la liberté par la réappropriation
Plusieurs choses s'éclairent encore, toutes ces choses qui, à chaque instant imprègnent mon être, mon existence et mon accompagnement professionnel. Pour ceux qui ne me connaissent pas, vous pouvez parcourir mon site ou ma page Facebook, et vous comprendrez.
Nous sommes tous les artistes de notre vie, quel que soit le domaine choisi. Et à chaque instant nous créons notre futur. Je ferais ici le parallèle avec la peinture, elle a accompagné les débuts de mon chemin initiatique.
Vous prenez une toile vierge, vous peignez ce qui est présent pour vous, vous discutez avec elle en l'observant, vous laissez les formes, les couleurs vous parler et à votre tour, vous communiquez avec elle en ajoutant, modulant ce qu'elle laisse apparaître. Une larme coule sur ma joue car je me souviens de mon père qui ne pouvait jamais décider qu'une toile était terminée, nous en avions souvent parlé et analysé qu'il était un insatisfait de la vie, et finalement, s'il avait compris… -c'était peut-être les deux-. Il pouvait revenir inlassablement sur une toile, la modifier et l'emmener ailleurs.
Cette vision ouvre l'infini champ des possibles. Je vous invite alors à réfléchir aux prédictions... que sont-elles pour vous ? Pour ma part, elles sont une infime possibilité qui selon la personnalité peut amener à l'enfermement.
Il me semble sauf erreur de ma part, que Saint Augustin était porteur de cette parole, celle qui nous définit comme les artisans de notre vie et qui transmet que la mémoire est puissante. Encore une fois intéressant pour moi et révélateur du fait que je suis bien porteuse de l'enseignement de mes deux embarcations… « Saint » relève de ma barque et « Augustin » de mon radeau. En effet, Augustin était mon grand-père paternel et je suis née le même jour que lui, il était agriculteur et maçon : il cultivait pour nourrir et construisait pour amener du confort. Petit clin d'œil de la vie.

Ma croyance : la mémoire au cœur de notre identité
« La mémoire constitue-t-elle notre conscience et notre identité ? » C'est ma croyance.
Je sais aujourd'hui qu'elle est pour moi la source de mon autonomie. Elle me sécurise dans mes actions et ouvre la porte à ma liberté. Finalement, en plaçant mon passé (au sens large, comme dit plus haut, c'est-à-dire au-delà de mon vécu) au cœur de qui je suis, je ne suis jamais en terrain inconnu, je porte ma propre connaissance de ce monde et c'est avec mes propres filtres que je tisse la trame de ma vie en n'oubliant pas que ma trame est inter reliée à celle de chaque être vivant, chaque événement... et donc à l'imprévu.
L'accompagnement thérapeutique holistique amène à sortir des cristallisations pour mettre en mouvement, c'est vrai pour ce qui est dans notre tête mais c'est aussi vrai pour ce que nous portons dans notre corps... la mémoire du corps, vous connaissez ?
J'ai pu remarquer depuis ces longues années d'accompagnement que les souvenirs remontent à notre conscience peu à peu, le mécanisme de défense psychique du refoulement s'assouplit quand nous sommes en mesure de nous saisir de ce qui revient à la conscience. C'est aussi le cas dans le domaine de l'invisible au niveau du corps quand les empreintes énergétiques s'activent - certaines croyances vous parleront d'entité, de revenant…. je parle d'empreinte énergétique (d'une mémoire) qui s'active en résonance avec la vibration portée, une mémoire commune, une clé pour ouvrir les espaces encore fermés et cristallisés qui nous empêchent d'avancer.
Ma croyance : les « il faut » qui font naviguer à contre-courant
Je reviens à ces petites phrases mentionnées ci-dessus et je reviens plus particulièrement sur « il faut se débarrasser du mental ».
Il me vient cette question encore, rhétorique certains diront, « Et si notre intuition était le fruit de notre passé ? », ceci invite une autre question « et s'il n'y avait rien de mystique ou de céleste ? ».
Il est peut-être temps de rendre vraiment son pouvoir à l'homme et à sa capacité à vivre et utiliser l'outil parfait qu'il incarne. Cela implique de reconnaître son mental dans ce qu'il est réellement, il est la ressource qui nous permet d'analyser, de comparer, d'associer et d'opposer... n'est-ce pas là ce qu'il nous faut pour nous positionner ?! Et s'il était un élément prépondérant du moteur de notre guidance intérieure ?!
Combattre chaque élément qui nous constitue, combattre le cycle du temps, le mental, le passé, c'est se combattre, soi-même, encore et encore. On nous parle d'unification, de réconciliation en nous invitant à éliminer notre mental, à effacer notre passé, à nous cloisonner dans un espace temps, où est la paix dans tout ça, comment s'unifier si nous nous morcelons ? Je vis libre car je sais qui je suis et je ne parle pas que de personnalité.
Je me suis réapproprié mes valeurs, mes compétences, mes ressources.

L'accompagnement thérapeutique ouvre à cette rencontre authentique, celle qui fait que le voile tombe. Je le dis souvent en séance individuelle ou en atelier : « Vous n'avez pu investir, parfois, sur ou sous investir que ce que vous êtes et portez. » Ensuite dans la construction, nous nous dépossédons peu à peu de qui nous sommes en l'attribuant à la relation à l'autre et du même coup en l'identifiant à l'autre « je suis ainsi parce que mon père, et comme ça parce que ma mère… ».
Ma croyance : le deuil et la transformation
Souvent je parle du deuil et des deuils successifs (symboliques pour certains) que nous vivons tout au long de notre vie. Et lorsque nous vivons la perte d'un être cher, nous vivons ce processus de deuil, il nous accompagne à pouvoir vivre avec la perte et la nouvelle réalité… c'est le même principe pour le passé (qui est cette succession de deuils symboliques, voire réels).
Pas plus tard qu'hier, j'étais au volant de ma voiture sur une route en pleine forêt et je me disais combien j'aimais conduire et combien c'était beau et agréable de traverser de tel paysage. Soudain, je sens « la présence de mon père » et je me souviens qu'il aimait aussi conduire et que le choix de sa profession l'avait comblé à ce niveau là. Je me suis rappelée de nos échanges à ce sujet, de son vivant. J'ai senti cette présence traverser tout mon corps, une sensation : celle qu'il était en moi et que nous ne faisions qu'un. Au cœur de cette expérience, la place du souvenir et de la mémoire.
La vibration ressentie dans ma propre expérience en résonance avec la vibration du souvenir de ces moments partagés lui donne vie, invite sa présence.
Comment naît ma croyance ?
Ceci me permet de poser que ma croyance naît d'un fait et d'une idée, elle est l'interprétation de cette association. Ce n'est pas ma mémoire qui crée l'expérience, j'emmène ma mémoire dans l'expérience que je choisis de vivre.
Je crée ma réalité à chaque instant à partir de la croyance qu'en étant pleinement dans le présent, je suis à la fois l'empreinte du passé et la créatrice de la trame du futur.

Ceci est une longue réflexion associée à mon histoire de vie sur mes croyances. Comme cette mer immense sur laquelle je vogue dans mon embarcation, elles sont mouvantes. J'aime me dire qu'elles sauront encore s'enrichir d'expériences personnelles mais aussi de témoignages d'autrui. Et vous, quelles sont vos croyances ? Y avez-vous déjà réfléchi ?
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