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La vie comme un tissage

Dernière mise à jour : il y a 4 jours


Gros plan de fils multicolores entremêlés reposant sur un sol de paille, illustrant la trame vivante et le tissage symbolique de la vie.


Tisser sa vie


Tisser sa vie : c'est exactement ce que j'imagine lorsque je ferme les yeux et que j'observe ma vie, le lien entre toute chose… la Vie.


Selon ma croyance, nous tissons notre trame, un fil après l’autre… Nous la tissons à partir de nos gestes, nos paroles, nos élans, nos choix, nos silences…

Ainsi tout ce que nous vivons, croyons, traversons vient s’inscrire dans cette matière vivante qu'est la trame. Cette dernière prend forme sans que nous en ayons toujours conscience, mais elle est là. C’est notre vie, singulière et précieuse, avec ses couleurs, ses nœuds, ses fils arrachés, raccommodés parfois.


Concrètement, la trame d’un tissu est le croisement de fils qui forment un ensemble solide, souple et vivant. Symboliquement, elle représente ce que nous tissons jour après jour : expériences, croyances, apprentissages ; c’est le fond invisible mais essentiel de notre histoire personnelle.


Je sais que ma trame personnelle ne se tisse pas seule. Elle est indissociablement liée à une trame bien plus grande. Ainsi, mon propre tissage, avec ses nuances, ses failles, ses transformations, fait partie d’un immense tissage collectif. Nous n'avons pas toujours conscience de cette trame plus vaste. C'est normal car nous ne pouvons pas la voir dans sa globalité, pourtant elle agit, elle influence, elle appelle. Il y a des rencontres, des événements, des synchronicités qui ne relèvent pas uniquement de notre volonté ou de notre histoire.


Cette notion là est abordée régulièrement lors des ateliers que je propose et elle engendre toujours des réactions diverses : l'une d'elle est celle de soulagement, nous ne sommes pas responsables de tout, une autre est plutôt teintée de stupéfaction, associée à la sensation de perte de contrôle de sa vie, une autre encore est empreinte de culpabilité, elle va avec l'impact de nos expériences sur les autres… Seul ensemble, nous tissons quelque chose de plus grand que nous, une toile collective, mystérieuse, à laquelle notre existence contribue, sans en connaître totalement, ni les impacts ni les conséquences, sans savoir même pour qui…


La trame relie ainsi les récits des vivants et des morts, des héritages portés ou transformés. Chaque tissage est relié à d’autres : ceux de nos proches, de nos ancêtres, de nos enfants, de celles et ceux que nous croisons, même brièvement, et d'inconnus. Je trouve cela fascinant.


Nous tissons avec les autres, souvent sans le savoir, à travers les liens visibles et invisibles, connus et inconnus.

Tissage mural kenyan composé de figurines colorées en perles et tissu, suspendues sur une trame en corde. Chaque personnage unique symbolise l’interconnexion des êtres humains et la richesse du tissage collectif des vies.


Une image réactivée


Cela fait longtemps que cette notion de trame m’habite. Elle me suit, m’accompagne… depuis des années, en filigrane. Je la touche du doigt dans mes accompagnements, mes réflexions, mes expériences personnelles.


J'en avais déjà parlé dans un de mes articles de blog. Elle s’est réactivée, récemment, de façon inattendue… devant une série, A Discovery of Witches (Le Livre perdu des sortilèges). Dans cette histoire, l’héroïne, sorcière, découvre qu’elle est tisseuse : elle peut voir les fils invisibles de la magie (la vie) et les relier entre eux. Elle crée une trame entre intention et intuition.


Chacun interprétera cette histoire à sa façon, avec sa grille de lecture symbolique ou pas d'ailleurs. Et même si cela reste de la fiction, elle a fait retentir, en moi, un écho profond et sourd…


Révéler et accompagner le tissage


Dans mon travail d'accompagnement thérapeutique, je perçois chaque personne comme porteuse de sa propre trame. Elle est parfois emmêlée, parfois trouée, tendue à l'extrême… mais toujours digne d’attention.


Lorsque nous sommes ensemble, nous regardons ce tissage en cours, nous travaillons à dénouer les fils, avec soin et délicatesse, sans tirer dessus au point de tout défaire et soutenir sans imposer de motifs. Nous considérons, à sa juste valeur, ce qui a déjà été tissé, même si cela semble fragile ou confus, et l'invitation est faite à poser, petit à petit, de nouveaux fils, au rythme juste de la personne accompagnée. Ce tissage n’est pas à accepter à tout prix, néanmoins il peut devenir un point d’appui, une base à partir de laquelle continuer et engager la transformation de l'ouvrage en cours.



Tisser la fin de vie, tisser le deuil


En fin de vie, cette métaphore devient particulièrement tangible. Souvent, la personne en fin de vie cherche à «faire œuvre » de sa vie. Elle s'engage à reprendre un fil, à le relier à un autre, à mettre bout à bout, à transmettre.


Je le vois dans les accompagnements de thanadoula, il y a parfois urgence à tisser ce qui ne l’a pas encore été. Ce tissage peut alors prendre de multiples formes : une communication retrouvée, un pardon formulé, un récit partagé, un écrit transmis, un silence aussi…


De la même manière, il me semble que le deuil peut être vu comme un tissage. Il s’agit de continuer à tisser, autrement : avec l’absence, avec l’amour resté vivant, avec ce que la perte transforme en nous. Ainsi la trame du deuil réintroduit de la continuité dans la discontinuité. Elle permet peu à peu d'accepter la réalité de ce qui ne reviendra pas, tout en laissant vivre ce qui peut encore se dire, se faire, se sentir.



Tisser à partir de ce qui reste


Parfois, un événement vient briser la continuité du fil, l’effilocher. Cela peut être une perte réelle ou symbolique, un changement brutal, un appel intérieur…

Alors commence un nouveau tissage, à partir de ce qui reste, mais aussi de ce que cela révèle. C’est un travail subtil, patient, parfois douloureux. Il est aussi profondément créatif, un chemin de transformation. Il nous invite à mobiliser nos propres ressources, à nous adapter, à choisir.


Gros plan sur un amas de perles multicolores, de formes et tailles variées, symbolisant les fragments de vie avec lesquels il est encore possible de tisser après une rupture. Une image évocatrice du tissage avec ce qui reste.

C’est là que mon chemin d’artiste rejoint celui de l’accompagnante : créer un tambour, par exemple, n’est-ce pas tisser avec le visible et l’invisible ? Relier la matière, les intentions, les mémoires ? Finalement, c'est la même chose dans la création d'un tableau.

Ce que j'ai découvert au fil des années, c’est que ce tissage n’a pas besoin d’être parfait. Il a besoin d’être vivant, authentique, connecté à ce que nous sommes vraiment. En ce sens, nos zones d’ombre autant que celles de lumière lui donnent sa richesse et sa profondeur, sa beauté.



Et si, au fond…


Beaucoup cherchent, à un moment de sa vie, sa "mission", sa place, son rôle, un peu comme si une seule chose devait définir notre passage ici-bas. Et si, plutôt que de chercher à "trouver" ce rôle, nous reconnaissions que nous sommes tous, à notre manière, des tisseurs : tisseur de liens, de sens, de gestes d’amour, de soins, de mémoire, tisseurs du visible et de l’invisible, du quotidien et du sacré.


Chaque parole posée avec justesse, chaque silence respecté, chaque présence offerte, chaque création ou réparation… participe à ce grand tissage. Alors oui, il n’est pas toujours spectaculaire. Il est même souvent discret, délicat, presque invisible à l’œil nu et pourtant il est fondamental.


Toile d’araignée circulaire illuminée par la lumière du soleil dans une forêt, créant des reflets arc-en-ciel. Une métaphore visuelle du tissage invisible et sacré auquel chacun participe : nous sommes tous, à notre manière, des tisseurs de liens et de sens.

Et si notre mission de vie n’était pas une fonction à exercer ou un titre à afficher, mais une façon d’être au monde. 

Pour moi, ma façon d'être au monde est une manière de tisser ma vie, humblement, un fil après l’autre, avec la conscience que je suis, moi-même un fil de cette trame bien plus grande que moi.

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