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La célébration funéraire



La photo est une nature morte en clair obscur. Sur fond noir, zoom sur un coquillage portant une bougie chauffe plat allumé, la flamme est petite, la bougie est blanche. Tout autour des bâtons de sauge avec des feuilles posées dans le coquillage. Le tout est éclairé par la lueur de la bougie. La sauge allumée laisse échapper sur la droite de la photo des volutes de fumée transparentes.


Alors que nous sommes en pleine période de commémoration des saints et des défunts, je rédige mon devoir de formation Thanadoula – Perfectionnement avec l'Ecole Internationale Cybèle, Faculté de la Fin de vie. Et le thème du cours achevé « la célébration funéraire ». J'ai adoré le devoir de fin de module : « Créer votre cérémonie idéale ». En écrivant ce début d'article, je me rends compte qu'on peut comprendre la consigne de différentes façons, personnellement, j'ai écrit ma propre cérémonie funéraire. Je vous la partagerai certainement à un moment ou à un autre dans cet article.


Cet article est avant tout une réflexion personnelle sur ce sujet. Naturellement, ma connaissance de l'accompagnement de la fin de vie et du deuil nourrit amplement cette réflexion.


La célébration funéraire au cœur de l'accompagnement de la fin de vie


La discussion sur la célébration funéraire dans l'accompagnement de fin de vie entre dans le cadre de la planification du « après ». C'est un moment précieux, émouvant et d'une grande beauté. La personne en fin de vie organise, souvent avec ses proches, sa propre cérémonie funéraire. Elle vit cela comme un moment de partage unique et ultime, un cadeau aussi pour ses proches. Elle donne vie à son dernier projet. C'est généralement vécu comme une « reprise » en main sur sa mort. Quand ce projet est créé avec la famille, il devient le dernier projet commun. Et lors du jour J , il est empreint de ces souvenirs intenses, intimes et joyeux… quoi de mieux pour célébrer la vie du défunt, qu'un moment plein de vie et d'amour partagé !



Sur un matelas recouvert d'un drap rouge, un plaid en  mohair écru et gris et deux feuilles format A4.  Sur la feuille du dessus un texte dactylographié, plusieurs paragraphes se succèdent, de chaque côté du texte des annotations manuscrites. Egalement posé sur la feuille en haut à droite un ruban  rose  avec des petites fleurs blanches. Sa forme arrondie fait penser à un bracelet ou à une couronne. Sur le sol marron foncé, un tapis rond tressé, marron clair qui porte sur sa circonférence des ponts écrus.


La célébration funéraire au cœur de la vie


Même s'il est entendu que la célébration funéraire a lieu alors que la personne est décédée, elle est un hommage de la vie du défunt, pas de sa mort. Je pense qu'elle est là, d'ailleurs avant tout pour les vivants, ceux qui restent comme on dit. C'est un moment de recueillement, toutes nos pensées sont à l'attention du défunt, de l'être aimé et apprécié. C'est également un espace de communion où tous, quelque soit le lien vécu avec la personne honorée, tout le monde a sa place, chacun lui offre sa présence.

Les souvenirs et anecdotes partagés sont plein de vie et nous surprennent parfois à sourire et même rire. Tout est là pour nous faire vivre ce lien connu personnellement en résonance avec celui de chacun et donc amplifié par la communauté.


La célébration funéraire, l'importance d'en parler avant


Parfois la préparation de cette cérémonie avant le décès n'est pas souhaitée. Les raisons sont diverses, personnelles et elles sont simplement à respecter. Elles peuvent relever de la superstition, du ménagement aussi.

Si c'est le cas, la thanadoula que je suis, invite tout de même le mourant à y réfléchir.

S'il est d'accord, ensemble nous établissons les grandes lignes de ses volontés. Cela évite bien souvent des conflits familiaux, dispensant la confrontation des croyances, les enjeux de pouvoir aussi. Les volontés consignées, la famille ne peut que les suivre et cela simplifie bien les choses.

Au-delà des conflits éventuels, la mort d'un proche entraîne dans une spirale émotionnelle prégnante, il reste peu de place pour l'accueillir dans tout ce qu'il y a à gérer dans l'après décès. Et s'épargner de savoir si nous faisons bien les choses, sans savoir ce que désirait le défunt peut nous éviter d'être encore plus déstabilisé ou encore déchiré. Et dans cette spirale, nous n'avons pas forcément le recul pour organiser sereinement la cérémonie, nous acceptons de ce fait ce que les services des Pompes funèbres proposent ou les services religieux.


Y penser, en parler c'est déjà préparer et se préparer.

Alors voici quelques pistes sur lesquelles j'invite à réfléchir : la première question à se poser est cérémonie religieuse ou laïque autrement appelée cérémonie civile. Important aussi de refaire le point sur ses propres croyances sur l'après et en quoi la cérémonie est importante pour soi. Ensuite les questions à se poser sont plus terre à terre comme qui officiera la cérémonie ? est-ce que je veux des témoignages, des chansons, des rituels, des fleurs ? à qui je souhaite ouvrir cet espace, à tous, seulement aux proches ? Quel lieu pour cette cérémonie ?


En parcourant le net, je suis tombée sur ce site Funeris, j'ai bien aimé car il y a un aperçu de différents rites selon les confessions religieuses et aussi sur la cérémonie civile.



Sur un sol de terre, de feuilles et d'herbe vertes, des galets blancs sont posés à la file indienne, formant une ligne presque droite. Les galets sont de tailles légèrement différentes mais qui ne met pas à mal l'homogénéité et l'harmonie.


La cérémonie funéraire et ma propre réflexion


La célébration funéraire en mon honneur sera une célébration co-créée avec mes enfants et mon mari. En effet, je vois ce moment comme le témoin de ce lien qui nous unit et perdurera après ma mort. La célébration funéraire comme le rite de passage révélant la beauté de la présence par delà le visible.

Il est important pour moi de considérer que cette cérémonie est avant tout là pour eux, ceux qui restent et qu'elle doit être à mon image certes mais dans ce qu'ils souhaitent garder de moi avant tout.

Cérémonie laïque ou religieuse


Aujourd'hui, je choisis sans hésiter une cérémonie laïque afin de laisser place librement à mes valeurs, à nos valeurs, celles du lien libre et aimant. Laisser la place aussi à tous ceux qui seront présents dans qui ils sont et la nature du lien que nous avions. J'ai été élevée dans la religion catholique (pratiquante) mais aujourd'hui je ne cautionne plus son message et ses idéaux. Je suis entourée de célébrantes laïques et j'officie moi-même des cérémonies d'union sacrée. Je connais ainsi la puissance des mots et des silences aussi.


Concernant les cérémonies religieuses, j'ai deux souvenirs très contrastés. En effet, pour ma grand-mère, le prêtre de l'époque était ouvert et tellement à l'écoute des êtres humains que cela avait été génial, les volontés de ma grand-mère avaient été respectées, sa cérémonie avait été poignante et joyeuse. Je note ici que c'était une célébration et non une messe. Pour le décès de mon père, nous n'avions pas d'informations sur ce qu'il voulait. Ma mère a souhaité une messe. Nous l'avons suivie dans ce choix. Malheureusement, avec les prêtres actuels traditionalistes, la messe n'autorise aucune note personnelle. Malgré cela, ma sœur, mon frère et moi attendions impatiemment l'Ave Maria choisi, en pensant qu'enfin nous pourrions nous laisser aller à nos émotions et rendre hommage à notre père mais il n'en fût rien puisque la musique a à peine été mise. C'est la colère qui s'était invitée alors. Cela me fait penser que la cérémonie est aussi l'occasion de se laisser aller à ses émotions, très souvent contenues dans les premiers jours qui suivent le décès. Et même si nous avions déjà pleuré, rigolé etc. nous attendions cet espace intime et de partage avec la communauté pour témoigner une fois encore de la place précieuse que notre père avait dans notre clan et auprès de tant de gens. Quelques mois après, c'est un de mes oncles qui est décédé. Avec ma sœur et une de nos cousines, nous avons dû créer une cérémonie d'hommage la veille pour le lendemain. A elles de trouver des photos, à nous de trouver des musiques et à moi d'écrire un texte et de le lire le jour J. Cela a été très violent pour moi de vivre cela ainsi.

Ces trois expériences m'ont montré qu'il est important d'en parler avant, c'est déjà une préparation en soi. Donner les grandes lignes, le cadre pour que chacun se sente en sécurité et libre d'apporter qui il est dans ce moment si important, ce moment qui va imprégner la suite à vivre… le processus de deuil.



Zoom sur le ciel. Dans un ciel chargé de nuages gris plus ou moins foncé, un arc-en-ciel naît d'un espace du ciel lumineux, blanc jaunâtre en haut à droite. En haut à gauche, deux feuilles habillent le ciel, elles sont d'un vert très foncé.


Mes croyances sur l'après


Comme mentionné dans la réponse précédente, j'ai été élevée dans la religion catholique néanmoins d'aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais cru à l'enfer ni au paradis. Il était inconcevable pour moi que Dieu (lumière et bonté) puisse avoir créé cela. Je n'avais pas de croyance particulière, juste la sensation que nous ne nous séparions pas vraiment. La mort n'a jamais été une source de questionnement pour moi, elle était familière et naturellement là. Dans les accompagnements que je fais, je travaille beaucoup avec l'invisible. Mes expériences ont affiné mes croyances. Aujourd'hui pour moi, il n'y a pas de vie après la mort du moins pas dans une continuité de ce qu'est notre vie incarnée. La mort de mon père s'est posée comme un test de cette croyance. Je m'étais dit que cette croyance était peut-être infondée, que je me leurrais et que les enjeux sur le « après la mort » dans la relation que j'avais avec lui viendraient revisiter cette dernière. Mais non. Je ne ressens et perçois rien de lui, dans ce qu'il était, autour de moi et pourtant je le sens partout, je sens « son vivant » dans le vivant. Ceux qui le portent dans ce qu'il était : sa personnalité, son caractère, ses envies, ses réticences… ce sont mes souvenirs, ma mémoire et mon amour. C'est comme s'il vivait en moi dans l'image et les souvenirs que j'ai de lui et s'il vivait autour de moi uniquement dans ce souffle de vie impersonnel qui l'a habité pendant ces années.



J'imagine ma cérémonie funéraire


Cette cérémonie sera enrichie des idées, des envies de mes enfants et mon mari. Je souhaite que cette célébration soit le reflet de ce qu'ils veulent garder de moi.


La cérémonie serait vécue comme un rendez-vous famille amis en pleine nature. J'aime l'énergie du matin donc elle aurait lieu entre 9h30 et 10h, peut-être un accueil aux alentours de 9h30 pour démarrer à 10h. Chacun apporterait un tabouret ou un coussin pour s'installer.

  • Note à ceux qui me connaissent dans le domaine professionnel, j'ai l'impression d'organiser un WE Thana. Vous pensez bien que je souris là !

Le rendez-vous serait dans la colline de mon village d'enfance à Ollioules dans le sud de la France. Cette colline où j'allais me promener enfant, où plus tard j'ai pu organiser des ateliers et où j'ai accompagné tant de fois mes enfants en sorties scolaires. J'aimerais que l'officiante reprenne cela dans le pourquoi nous nous retrouvons ici.



Paysage. Le ciel est bleu et sans nuage. Au fond une montagne verte à la crête linéaire. A droite en contre bas, on devine quelques habitations dans la nature. A gauche, une falaise également avec une crête droite et linéaire. La roche calcaire laisse place à la végétation peu touffu. Au sommet quelques arbres buissons d'un vert plus intense.


Rendez-vous donc au Gros Cerveau à Ollioules entre 9h30 et 9h45. Les invitations envoyées par sms ou de bouche à oreille préciseraient le lieu exact et l'heure de rencontre, d'apporter un siège ou un coussin, un tambour pour ceux qui en ont un.


Auprès d'un pin laissant passer les rayons du soleil du matin, encore doux, l'urne serait posée au sol entourée d'un cercle de pierres, de brindilles et de fleurs trouvées sur place, un encens (bois de cèdre) brûlerait tout près laissant échapper de belles volutes plus ou moins épaisses.


L'accueil serait fait par la famille, et chacun des invités prendrait place où il le souhaite, alors que la première chanson sortirait de l'enceinte « Spirit Bird » de Xavier Rudd.


Mon amie Karine, officiante professionnelle aujourd'hui à la retraite, officierait. Elle accueillerait tout le monde en le remerciant de sa présence. Reviendrait sur ce rendez-vous si habituel et pourtant cette fois-ci si particulier : ma mort et la célébration de ma vie. Elle inviterait à quelques minutes de silence, silence que j'aimais tant. Elle prendrait aussi quelques minutes pour se présenter et pourquoi pas parler brièvement de notre rencontre et de notre amitié. Ensuite, elle s'adresserait tout particulièrement et avec tendresse à mes proches leur rappelant l'importance qu'ils avaient pour moi et que le lien que nous avons su créer restera à jamais vivant dans chacun des battements de leur cœur.

Une deuxième chanson alors « to build a home ».

En quelques mots, Karine relaterait mon chemin de vie avec quelques anecdotes faisant sourire l'assistance.

J'aimerais qu'à ce moment-là, le chant des oiseaux s'associent à quelques rires, que les regards se croisent, se reconnaissent.

Avant l'espace libre et ouvert aux témoignages, Maëline, ma fille chanterait une de ses compositions et sa voix comme toujours saurait venir me toucher, telle une spirale enchantée.

Puis le temps des témoignages, dans un espace libre, l'accueil des témoignages spontanés. Surprise! Mon propre témoignage à l'attention de l'assistance, avec un message enregistré (le texte est déjà écrit mais je veux garder l'effet de surprise ! ).

Afin d'accompagner l'après, Karine poserait la trame du processus de deuil.

Puis viendrait le temps du rituel, celui imaginé (j'en frissonne) et Karine d'expliquer : Alors que les porteurs de tambour se mettent à jouer, chaque personne souhaitant participer au rituel d'au revoir se lève et vient près de l'urne. Il écrit de son doigt dans l'air et l'invisible où je serai déjà et dans l'éphémère, témoin de mon passage, le mot qu'il souhaite déposer à mon attention.

Karine faisant signe, les tambours arrêteraient de sonner. Le silence reviendrait, porteur des mots partagés.

Elle remercierait une nouvelle fois toutes les personnes présentes et ayant accepté de co-créer la beauté de cet instant. Un dernier au revoir pour signifier que la cérémonie serait terminée.

Elle préciserait enfin qu'un livre pouvant accueillir les condoléances et les petits messages d'affection serait à disposition. Et que la famille serait disposée, elle, à recevoir les témoignages d'affection à la fin de la célébration.

En clôture de ce moment suspendu, la dernière chanson retentirait « Follow the sun » de Xavier Rudd.


Et chacun de partir et de suivre sa propre lumière.


Paysage en clair obscur. Les formes noirs laissent entrevoir des arbres et leurs feuillages, c'est comme s'ils dansaient ou marchaient. Dans le feuillage, on peut voir quelques tâches bleues. Au sol, pareil, le soleil souligne le marron de la terre. En haut à gauche, le soleil puissant, une boule blanche avec des rayons précisément dessinés et entre vers le bas, quelques faisceaux plus larges et plus transparents.


« Certains attendent que le bonheur vienne frapper à leur porte ; moi, je laisse la porte ouverte » - Jacques Salomé

Parce qu'il est précieux d'en parler… n'attendons plus!

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