Avec la mort, on fait comment ?
- Sylvie, Thérapeute, Thanadoula Palliathérapeute
- 5 mai
- 10 min de lecture

Je le dis souvent, la mort est une réalité, elle nous concerne tous, même ceux qui l'ignorent et la nient. Et bien qu'elle soit la seule certitude que nous ayons, elle reste l'un des sujets les plus difficiles à aborder. Peut-être parce qu'elle est associée à la souffrance. Peut-être parce que beaucoup l'enrobent de superstition « en parler, la fait venir».
Que ce soit la perte d'un être cher, la confrontation à notre propre mortalité ou le soutien à quelqu'un en deuil, nous sommes souvent démunis face à cette épreuve. Alors viennent les questions : Comment faire face à la mort ? Comment trouver du réconfort et du sens dans ces moments de douleur ?
Dans cet article de blog, j'aborde cette question « Avec la mort, on fait comment ? » avec trois point de vue. Ces points de vue sont posés à partir d'expériences personnelles, professionnelles et des échanges avec des personnes concernées.
Avec la mort, on fait comment ? Point de vue du proche.
Accepter la réalité de la mort
Si nous sommes confrontés à la mort de quelqu'un, le contexte joue un rôle important dans l'approche de cette dernière. En effet, la nature et la forme de l'annonce déterminent notre réaction et ce que nous pouvons engager de nous pour faire face à la situation : mort brutale ou mort avec une fin de vie annoncée. Dans tous les cas, c'est le processus de deuil qui s'engage pour nous faire traverser la douleur qu'a imposée l'annonce. Dans le cas de la fin de vie d'un proche, le deuil peut être anticipé.
Ce travail d'acceptation peut s'envisager avant même de vivre un deuil. Bien sûr cela n'empêche pas la peine liée à la séparation, néanmoins cela peut grandement l'adoucir. Alors oui, accepter que la mort fait partie de la vie peut sembler paradoxal, mais c'est un pas essentiel vers la résilience.
Je le répète, cela ne signifie pas que la douleur disparaît, mais plutôt que nous reconnaissons la mort comme une partie naturelle de notre existence, une étape commune au vivant.
Cette acceptation peut se manifester par la prise de conscience que chaque vie a une fin, et que cette finitude donne une valeur particulière à chaque instant vécu.
Pour accompagner cette acceptation progressive de la mort et de l'être humain « considéré comme ayant la mort en lui à chaque instant de sa vie », en parler ouvertement et banaliser ce sujet là reste la piste la plus simple et la plus accessible. D'autres chemins complémentaires s'offrent à nous comme lire des témoignages ou des ouvrages, écouter des podcasts, regarder des vidéos ou des documentaires. Surfer sur des sites d'associations porteuses de messages en ce sens.
Emprunter ces chemins pour mieux appréhender cette réalité de la vie.

Chercher du soutien
Le deuil est un processus individuel et intime. Il se vit par chacun dans une teinte différente, un rythme différent. Cela n'impose en rien de le traverser seul. Car dans ces moments, répondre au besoin d'appartenance, notamment pour se sentir compris n'est pas négligeable. C'est pourquoi, vous pouvez chercher du soutien et du réconfort auprès de proches, d'amis et aussi de processionnels.
Les groupes de soutien et les thérapeutes spécialisés dans le deuil donnent accès également à des outils et des stratégies pour naviguer dans cette période difficile. Ce sont aussi des espaces indispensables où aller afin d'exprimer et de partager ses émotions avec des personnes de confiance. Cela permet de se sentir moins isolé et de trouver des moyens concrets de surmonter la douleur.
Il est également possible de se tourner vers des ressources en ligne, des forums ou des livres spécialisés pour trouver des conseils et des témoignages inspirants.
Se souvenir et honorer
Revenir sur des souvenirs de moments partagés avec la personne disparue et honorer sa mémoire sont source de consolation.
Comment honorer sa mémoire ? avec des rituels personnels, des cérémonies ou simplement en parlant de la personne, en parlant de ses actions, en regardant des photos ou des vidéos. Tout cela nourrit et maintient le lien symbolique, apporte de la douceur et apaise la douleur.
L'organisation d'événements commémoratifs, la création d'albums photo ou l'écriture de lettres à la personne disparue, d'anecdotes ou autres sont autant de manières de garder vivant le souvenir de l'être cher. Ces gestes permettent également de transmettre l'héritage émotionnel et spirituel de la personne à ceux qui restent.

Prendre soin de soi
Il est prouvé que le deuil est une période émotionnellement et physiquement éprouvante. Il est donc indispensable de prendre soin de soi, tant sur le plan physique que mental.
Chacun ira de sa sensibilité pour aller vers des activités adaptées. Nous retrouvons souvent la méditation, l'exercice physique (marche, salle), une alimentation équilibrée et suffisamment de sommeil.
Le sommeil, facteur prépondérant dans le bien-être.
Ce n'est pas toujours évident surtout dans les tout premiers temps mais assez rapidement néanmoins, il est recommandé de prendre du temps pour soi. Et même si cela semble difficile, c'est essentiel pour retrouver l'énergie nécessaire pour vivre, voire affronter pour certains, le quotidien.
Certains trouveront même judicieux et porteur, de se fixer des objectifs simples et réalisables, comme une promenade quotidienne ou la pratique d'une activité créative, pour structurer son temps et favoriser le bien-être.
Trouver du sens
Les personnes en quête de sens vont chercher à trouver un sens à la perte. Cela peut avoir une place importante dans leur processus de deuil.
Cela se manifeste par l'engagement dans des causes qui étaient chères à la personne disparue, ou par la recherche de nouvelles perspectives sur la vie et la mort.
Certaines personnes trouvent du réconfort dans la spiritualité ou la religion, tandis que d'autres préfèrent explorer des voies philosophiques ou humanitaires. Quelle que soit l'approche choisie, l'important est de trouver une manière personnelle de donner du sens à cette expérience et de continuer d'avancer.
Tant que nous ne sommes pas directement concernés, la mort est souvent abordée avec une certaine distance, comme si elle concernait toujours les autres.
Pourtant, il est essentiel de se pencher sur cette question du point de vue de celui qui la vit directement : le mourant. Comment aborder cette étape ultime de la vie ? Comment se préparer, tant sur le plan émotionnel que pratique ?
Avec la mort, on fait comment ? Point de vue du mourant.

Accepter l'inévitable
Pour le mourant aussi, la première étape est de dépasser le choc et d'aller vers l'acceptation. La fin de vie annoncée peut être vécue comme un processus long et douloureux. Et il est normal de ressentir entre autre, de la peur, de la tristesse, de la colère. Ces émotions font partie intégrante du processus du deuil de soi-même.
Un accompagnement est préconisé. Il peut être familial, amical ou professionnel. Chacun apporte un soutien précieux.
La neutralité des professionnels de santé ou de l'accompagnement, les thanadoulas par exemple est un atout pour éviter les enjeux affectifs.
Préparer ses affaires
Sur le plan pratique, il est possible de "mettre de l'ordre dans ses affaires". Cela inclut la rédaction des directives anticipées par rapport aux soins prodigués ou à venir etc., des dernières volontés afin d'organiser les obsèques, d'un testament avec la désignation d'un exécuteur testamentaire, et la préparation des documents nécessaires pour faciliter les démarches administratives après le décès.
Prendre ces dispositions apporte une certaine sérénité, en sachant que ses volontés seront respectées et que ses proches seront épargnés de tracas supplémentaires et de se sentir encore capable d'avoir la main sur l'organisation de sa vie. Cela vient aussi valoriser sa capacité à s'occuper de ses proches et se rassurer sur l'après.
Dire au revoir
L'un des aspects les plus difficiles pour le mourant est de dire au revoir à ses proches. Ces moments sont précieux et peuvent être l'occasion de partager des souvenirs, de dire ce qui n'a pas été dit, de se réconcilier si nécessaire. Il est important de prendre le temps de ces adieux, même si cela peut être émotionnellement éprouvant. C'est un acte fort qui vient ancrer la réalité de la fin de vie et de la mort en approche.

Chercher du réconfort spirituel ou philosophique
Pour beaucoup, la mort soulève des questions spirituelles ou philosophiques. La mort change les perceptions, les croyances même. Et c'est régulièrement, que des personnes n'associant à la mort et surtout à l'après que le vide, le rien ou le néant, se mettent à croire en un après… un après où la paix règne, où leurs proches les attendent etc. Il est évident que se tourner vers des croyances religieuses, des pratiques spirituelles, ou des réflexions philosophiques apaise et rassure. Que ce soit par la prière, la méditation, ou la lecture de textes inspirants, chacun trouve sa propre voie pour apaiser ses angoisses.
Prendre soin de soi
La notion de bien-être semble antinomique avec celle de la mort.
Ici, nous parlons de la fin de vie. Le vivant y a encore toute sa place et la fin de vie se doit d'être considérée et accompagnée comme telle.
De ce fait, il est primordial de ne pas négliger son bien-être physique et émotionnel.
Les soins palliatifs peuvent offrir un soutien précieux pour gérer la douleur et améliorer la qualité de vie. Entouré de professionnels de la santé, le mourant peut ainsi bénéficier d'un accompagnement adapté à ses besoins spécifiques.
En complément, des soins apportés par les équipes médicales, d'autres soins et activités peuvent être proposés. Je vous en parlerais dans la partie qui suit « Comment on fait avec la mort ? Point de vue de la thanadoula que je suis ».
Laisser une trace
Pour certains, il est capital de laisser une trace. Ils laissent des écrits, des enregistrements vidéo, audio ou des objets symboliques. Transmission et présence comme les garants du maintien du lien par delà la mort. C'est rassurant de se dire que nous ne serons pas oubliés et que quelque chose de nous restera.
Il n'y a pas de bonne réponse, ni même de réponse unique à la question « Avec la mort, on fait comment ? ». Chacun vit le deuil, qu'il soit anticipé ou non, à sa manière, et il est surtout important de respecter ce cheminement personnel.
Ce qui est certain, c'est que la mort nous invite tous à réfléchir sur la valeur de la vie et à chérir les moments que nous partageons avec nos proches. Elle nous rappelle l'importance de vivre pleinement chaque instant et de cultiver des relations authentiques et bienveillantes.
La mort est inévitable, elle est l'ultime étape de la vie. L'aborder avec considération, dignité et sérénité, c'est déjà rendre hommage à sa propre vie.
Au cœur de ce tourbillon émotionnel, de ce brouillard parfois, chacun peut trouver sa voie pour vivre cette transition de la manière la plus apaisée qui soit.
Le soutien, la présence, la communication sont les piliers d'un équilibre possible et d'un soutien mutuel réel.
Au cœur de leur fin de vie, certains mourants sont entourés de leurs proches, d'autres sont isolés. Il y a cependant très souvent des professionnels de santé et de l'accompagnement. Les thanadoulas font partie intégrante de ces professionnels présents pour accompagner les personnes en fin de vie et leurs proches. Je précise « et leurs proches » car nous avons pu voir que leurs besoins sont assez proches même parfois similaires.
Comment on fait avec la mort ? Point de vue de la thanadoula que je suis.

Être présente
Oui, la fin de vie et le deuil sont très intimes et personnels, cela ne signifie pas qu'il faille les vivre isolés. Bien au contraire, le soutien et la présence sont des éléments fondamentaux au maintien d'un climat de sécurité et d'un environnement harmonieux.
La présence que j'apporte s'accompagne d'une écoute bienveillante et non jugeante. Elle se pose comme un soutien émotionnel et organisationnel dans un quotidien bouleversé par l'intervention de différents professionnels, et le rythme parfois effréné des rendez-vous médicaux, des annonces, etc.
Appréhender les changements
La fin de vie induit des changements physiques et psychologiques, mes connaissances et la transmission que je peux en faire vient aider à les appréhender et à prévoir ce qui peut arriver et comment. C'est une approche rassurante pour les personnes en fin de vie et pour les proches, elle évite les chocs et les incompréhensions successives provoqués par un manque d'informations évident.
Prendre le relais
Ceci s'adresse plus particulièrement aux proches aidants. Il est difficile de prendre du recul quand nous nous investissons dans l'accompagnement de nos proches. Cela arrive, malheureusement très souvent, que les accompagnants finissent par s'épuiser. C'est alors que tout ce qu'ils ont construit pour maintenir leur proche à domicile s'écroule, et avec, l'univers stable du mourant.
Mon accompagnement à ce niveau là est d'offrir le répit mérité et indispensable aux aidants familiaux et aux proches aidants. Cela peut prendre la forme de veille aussi.
Je peux également être présente au moment de la mort, quelques heures avant et après. Pour ne pas vivre tout cela seul.
Prendre soin de soi
Mes compétences professionnelles annexes me permettent de proposer des espaces de parole, de communication en tête-à-tête ou familiale, avec la possibilité d'une approche thérapeutique permettant d'approfondir des réflexions, de calmer des angoisses ou de régler des conflits.
Également possible des espaces de relaxation et de détente.

Planifier
Cette initiative est touchante car elle est très souvent empreinte d'un désir d'apaisement pour soi et pour les autres. En effet, planifier sa fin de vie et le "après sa mort" offre aux mourants de se sentir vivants, capables de décider, dans la possibilité de faire respecter leurs volontés et leurs envies, d'être capables aussi de protéger et de prendre soin de leurs proches. C'est souvent initier par une envie profonde d'épargner les proches des soucis liés aux prises de décision les concernant et ceux liés aux démarches administratives d'après décès.
Ainsi la planification touche différents domaines et aide à déclarer la personne de confiance, les directives anticipées et les dernières volontés. C'est à partir de ces déclarations que seront prises les décisions médicales (si le mourant ne peut plus les exprimer), les décisions aussi concernant l'organisation des funérailles.
C'est aussi dans cet espace que sont créés les legs émotifs à transmettre aux proches.
Accompagner le processus de deuil
Que nous voulions ou non, que nous en ayons conscience ou non, le processus de deuil s'engage. Il est naturel. Ce processus peut être anticipé dans le cas d'une mort non brutale.
C'est un espace précieux qu'offre la fin de vie. Cela peut vraiment être vécu comme une chance de pouvoir cheminer et être accompagné dans ce qui se traverse.
Cet accompagnement peut donc se faire pendant la période de fin de vie pour le mourant et pour les proches.
Il est accompagné, principalement, après le décès d'un proche. Cela concerne les adultes et les enfants.
Par la formation Suivi Thana, il peut être préparé à distance d'un besoin urgent, parfois bien après, d'autre fois bien avant.
En parlant ouvertement de la mort et en préparant cette étape ultime de vie, nous pouvons tous contribuer à rendre ce passage un peu moins effrayant, tant pour nous-mêmes que pour ceux qui nous entourent.
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