Au Kenya, le voyage comme retour à soi
- Sylvie, Thérapeute, Thanadoula Palliathérapeute

- 7 juil.
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 25 juil.

Ce que je croyais raconter
Voilà, je viens de relire mon article de blog. J'ajoute ce préambule car je suis surprise de son contenu. Surprise car je pensais vous raconter ce voyage au Kenya comme un récit touristique orné de quelques touches d'émotion : l'expérience émouvante de la rencontre avec une lionne et ses trois petits au parc national de Nairobi, les péripéties de la route de la Vallée du Rift, l'immersion dans la forêt, les nuits étoilées etc.
Mais finalement, le texte qui suit est tellement plus juste, tellement plus… moi. Ce que je viens d'énoncer, pour moi, ne se raconte pas, ça se vit. Ce que je vous livre de moi ci-dessous, est la réalité de mes voyages.
Je ne m’attache pas aux expériences, ni aux lieux, ni même aux gens, en vérité. Je le reconnais encore une fois ici, je sais que cela peut être déstabilisant pour l'autre, néanmoins, c'est ce qui me permet d'être celle que je suis, sincère, dans une réelle présence à l'autre et à l'instant vécu.
Ce n’est pas un refus de lien, ni un détachement teinté d'indifférence. Je dirais plutôt que je laisse circuler ce qui est, et ce qui se vit.
Mon parcours de vie et d'expérimentation m'a appris cela. J'ai souvent été interrogée sur ma « facilité » ou rapidité d'intégration, même ma psy Hélène, à l'époque me le disait. Son retour et vos questions ont ouvert, chez moi, un espace de réflexion. Ce que je ressens, c'est que justement je passe d'une expérience à l'autre, comme je fais un pas après l'autre pour marcher. Jamais je n'ai souhaité revivre une expérience aussi extraordinaire et exceptionnelle soit-elle. Et j'en ai vécues pourtant…
L’élan de vie, boussole intérieure
Ce qui m’anime profondément, c’est l’élan de vie. Je le définis comme un mouvement intérieur, spontané, souvent imprévisible, qui me traverse et me guide. Il est parfois doux, parfois intense mais toujours vivant.
C’est cet élan qui m’a conduite à créer, à peindre, à chanter, à accompagner. Cet élan créateur, je le connais bien : il a sculpté tout mon parcours artistique. Il a façonné peu à peu mon parcours personnel et professionnel. Alors oui, j'ai appris, parfois à mes dépens, à ne pas le contrôler, à ne pas chercher à tout comprendre, à le suivre sans avoir besoin, tout de suite, d’un pourquoi. Pour moi, le sens, quand il vient, vient nourrir la trame de ma vie et il soutient le tissage de mon expérience quotidienne. Parfois, ce sens ne vient pas, et c’est très bien ainsi. J'ai aussi appris à me laisser tranquille avec ça. Allez, je vous l'avoue : ce n'est pas ce qui a été le plus facile !

C’est dans cette disposition intérieure que je suis partie en Afrique. J'y suis partie avec dans mon bagage, léger -ceux qui me connaissent penseront à ma petite valise rouge, dimensions bagage cabine, qui me suit partout-, ma sécurité intérieure, mon goût de l'aventure, ma joie des rencontres et mon bonheur à créer… oui, quelques culottes et tee-shirts aussi. Je n'y suis pas allée pour retrouver ou réparer quelque chose mais parce que quelque chose, là, m’appelait.
L’appel de l’Afrique
Depuis l’enfance, l’Afrique résonne en moi sans explication. Ne sommes-nous pas, au fond, tous un peu africains ? Il me semble que la science dit que nous venons tous de ce continent, que c’est le berceau de l’humanité. Peut-être, en tout cas, j'ai toujours eu cette sensation diffuse, que cette terre contenait une part de moi.
En foulant cette terre rouge, qui me rappelle tant les pigments utilisés pour les peintures, j’ai senti une forme d’évidence. C'est lors de ce voyage que j'ai senti profondément que je pouvais me vivre à mon rythme et dans l'observation, la distance aussi parfois… être complètement moi.
En foulant cette terre, mon ancrage s'est transformé en un battement de cœur, sous mes pieds. J'ai été traversée par une vibration familière que j'ai reconnue comme la vibration que je porte, celle de la douce puissance. J'étais venue une nouvelle fois me rencontrer.
Du premier voyage à la naissance d’un projet
Mon premier voyage en terre Maasaï date de février 2024. J'y étais allée pour animer avec Emmanuelle la Retraite Human. Petite parenthèse, la retraite Human que nous cocréons et coanimons, se déroule chaque début d'année et en 2026, elle prendra ses quartiers en Tanzanie.
Après une halte de quelques jours à Nairobi pour visiter la ville, en compagnie d'Alex, le chauffeur de taxi, nous nous sommes offert une immersion touchante au Parc National avant le transfert au Camp Neloïta. Je ne reviendrai pas ici sur les détails de cette expérience — ceux et celles qui le souhaitent peuvent retrouver plusieurs articles de blog à ce sujet dans l’onglet Carnet de vie & de passage de mon site. Je peux, quand même, dire ceci : ce que j’ai vécu là-bas, dans cette beauté épurée, cette simplicité vibrante, est venu me transformer à une profondeur insoupçonnée, une profondeur que je ne peux toujours pas identifier et définir.
C’est environ quatre mois après ce retour, en juin 2024, que s’est dessinée la proposition d’un second voyage. Plusieurs personnes m'avaient dit, lors de la Retraite Human, qu'envisager une création de tambours au Camp Neloïta serait juste incroyable. Personnellement, cela n'évoquait rien de particulier. Mais voilà, je fonctionne comme ça, ce n'est pas que cela n'évoquait rien en moi, c'est juste qu'à ce moment-là, en février 2024, je vivais déjà quelque chose d'incroyable.
C'est souvent que rien d'autre n'existe… que le présent. Logique en même temps !

En juin 2024, l'espace s'était ouvert à ce projet. J’en portais l’initiative : accompagner la création de tambours chamaniques en terre Maasaï. J'aimerais rebondir sur ce que je viens de dire « c'est souvent que rien d'autre n'existe… que le présent ». Il y a de cela, c'est certain mais il y a aussi que dans mon processus créatif, je l'ai expérimenté maintes et maintes fois, le travail se fait en autonomie. Quand l'idée se présente à moi, c'est que le cheminement est engagé et qu'il ne reste plus qu'à mettre ces idées dans la matière, de concrétiser. Je ne sais pas si vous voyez. Je vous partage l'exemple de mon processus créatif en peinture, mais c'est vrai dans tout : je vais préparer ma toile, peut-être même poser une esquisse, faire la pochade (couleurs et nourrissage de la trame) et laisser la toile ainsi pendant quelques jours ou quelques mois… lorsque je la reprends, le tableau « est fait », je n'ai plus qu'à m'exécuter.
Avec Oliana, un lien au-delà des mots
Je reviens à la création de tambours chamaniques au Kenya. La première personne à qui j’en ai parlé, est Oliana. Elle m'accompagne, dès qu'elle le peut, sur les WE Thana que je propose. Elle laisse, elle aussi, libre court à son cœur d'artiste en photographiant avec respect et discrétion ce que chacun rencontre de lui-même. Elle a dit oui immédiatement — et cela, en pleine finalisation de la soutenance de sa thèse -Doctorat en Sciences du Langage et au cœur des galas de fin d’année de son école de danse. Sa réponse m’a profondément touchée. Je la remercie encore ici.
Sa présence, au-delà de la relation affective qui nous lie, a nourri cette aventure d’une autre manière. Je sais ce que son regard de photographe offre dans la continuité de la rencontre à soi. Je sais ce que sa présence physique offre au cadre sécure qui est posé. Il est probable que ses photos inspirent d’autres articles, d’autres récits, sur des thématiques diverses. Mais au-delà de ses compétences professionnelles, ce sont son humanité, sa capacité d'émerveillement, sa simplicité, sa sensibilité, sa sagesse et sa puissance que j'invitais à ce voyage. Tellement de joie de partager notre case et de constater que nous portons les mêmes valeurs, le même respect des choses. Toujours autant de joie à partager nos rires, nos larmes. J'aime sa finesse et son honnêteté qui me permettent également de garder un œil objectif sur moi-même. Et puis ce lien, au-delà des mots.

Je vous l’ai déjà confié dans mon dernier article de blog, vous pouvez le retrouver ici : ce voyage, comme d’autres avant lui, est venu m’assurer de ma sécurité intérieure. Cette sécurité ne dépend ni des lieux ni des circonstances. Pour moi, elle se cultive au fur à mesure des engagements que je prends avec moi-même.
L’organisation du séjour, les imprévus, les demandes de dernière minute, les tensions parfois entre intentions individuelles et cadre collectif : tout cela m’a amenée à me positionner.
Fidélité à moi-même
Je suis restée moi-même, dans l’alignement de ce que je suis et de ce que je propose. J'ai respecté cette ligne de conduite que j’ai mis du temps à tracer, à assumer, à défendre.
Ainsi, dans cette expérience, j’ai dû dire non. J'ai aimé et j'aime sentir la solidité dans mon positionnement, cette sensation sécurisante de pouvoir rester en accord avec moi, sans me sentir coupable, « pas gentille » etc. J'ai donc dit non, à une demande d’inscription à tarif réduit, à quinze jours du départ ; à l’envie exprimée de « revenir » au Camp Neloïta à de potentiels participants qui perdaient de vue l'intention initiale de ce voyage : créer son tambour ; à certaines propositions de contenu complémentaire qui auraient pu mettre à mal l’équilibre physique ou émotionnel du groupe.
Non, je ne faisais pas ce voyage pour en tirer profit.
Non, je ne faisais pas ce voyage pour dire « j’y retourne ».
Je n’ai jamais fonctionné ainsi. Ce n'est tellement pas moi !
Vivre l’instant, cocréer le nouveau
Je n’ai jamais eu le désir de revivre une expérience à l’identique, aussi belle ou puissante soit-elle. Je sais, par expérience justement, que « la même chose » dans sa forme, n’est jamais la même chose dans le fond. Je trouve cet enseignement précieux car il peut vraiment aider chacun à sortir de l’illusion de répétition, de la quête du « encore pareil »... la vraie richesse réside dans l’inattendu, présent en tout. La routine… connais pas ou plutôt « connais plus ». Je parle souvent de l'abondance dans l'approche créative et la souplesse intellectuelle. Mais cette approche là : n’est-ce pas, encore, une autre forme d’abondance ?
Comme j'aime à le dire, j’erre sans but. Je prends des chemins de traverse… ils me comblent de beauté, de rencontres, de réflexions. Ils m'invitent à marcher à mon rythme, sachant qu'à tout moment, je peux décider de faire demi-tour ou de prendre un autre chemin. Dans mon écriture aussi, vous l'aurez peut-être remarqué…
Retrouver la terre, retrouver ma nature
Ce deuxième voyage au Kenya m'a encore plongé dans cette familiarité… mes pieds bien ancrés dans le sol, mon corps dans sa verticalité incarnée, ma tête se mouvant dans ce ciel infini… c'est mon cœur, seul et unique témoin de vie qui bat encore au rythme des chants partagés par les Maasaï, de mon émerveillement constant de voir une nature si belle et si dense, de la beauté de tout ce qui s'est révélé pour chacun… Cette familiarité, n'est pas associée à cette terre, elle est associée à la Terre… à l'humanité. Cette familiarité, pour moi, est le témoin de la résonance avec ma propre nature. Je me reconnais comme étant un maillon de ce vivant, vibrant.
Tout s'est posé dans ce calme intérieur. Tout a été le reflet de cette intimité. Lors du transfert vers Loïta Hills, je me suis émerveillée de reconnaître parfaitement le trajet, reconnaître chaque élément du paysage qui défilait. J'ai été touchée de la joie qui régnait dans la jeep et des réactions face aux aléas de la conduite kényane, face aux animaux présents au bord de la route. Une fois au camp, je me suis émerveillée de me sentir à la maison et retrouver chaque membre de l'équipe, accueillante, comme si nous ne nous étions jamais quittés.

Quand la magie opère
Dans un espace comme celui-là, nous nous invitons à prendre le temps… le temps de la rencontre : le temps de croiser des regards, de prendre une main dans les siennes, d'écouter les sons de la nature, de se laisser bercer par la danse sacrée du feu. Nous acceptons de nous poser et nous déposer.
La magie opère alors… en nous. Elle change notre regard sur notre carte intérieure, laissant apparaître de nouveaux sentiers, des étendues encore inexplorées… pourtant déjà en nous, nous offrant de vivre de nouvelles aventures de nous à nous, dans notre réalité.
J'ai croisé des regards dont la profondeur et la lumière m'invitaient à croire encore et encore à la beauté de ce monde.
J'ai pris des mains dans les miennes, leur douceur et leur chaleur m'offraient de croire encore à la beauté de l'humain.
J'ai écouté les sons de la nature, leur justesse m'accompagnait à sentir l'harmonie du vivant.
Je me suis laissée bercer par la danse sacrée du feu et j'ai senti le mouvement naturel de vie dans cet amour immense.
Une empreinte durable
Ce voyage me rappelle, une fois encore, que les grandes transformations sont silencieuses… et qu'elles laissent une empreinte durable.
Ce voyage me rappelle, que je suis la terre à explorer et l'aventure à vivre où que je sois, avec qui que je sois.
C'est l'heure du retour. Ce retour à moi s'inscrit à l'encre indélébile.
Crédit photo - Or-photographie





Superbe et si juste… merci Sylvie !