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Adolescence : les petites morts qui préparent à la vie adulte


Silhouette d’un adolescent à l’entrée d’une grotte éclairée par la lumière, symbole du passage et des deuils symboliques qui préparent à l’âge adulte.


Ces derniers temps, et à plusieurs reprises, le sujet est revenu lors d'échanges. Cela a fait son chemin. Après une courte réflexion, j'ai décidé d'en faire un article de blog. Je pense qu'il ouvrira des pistes de compréhension sur le comportement de « nos ados ».


L'adolescence n'est pas seulement une étape de croissance, c'est une période de vie marquée de ruptures plus ou moins discrètes, parfois douloureuses, souvent invisibles. Nous parlons rarement de ces pertes, elles jalonnent néanmoins ce passage singulier. Les identifions-nous vraiment comme des pertes ? Perte de l'enfance, fin de l'idéalisation des parents, abandon de certaines illusions, renoncement à des rêves etc.…


Ces « petites morts » ne sont pas des drames au sens tragiques mais elles s'apparentent à de véritables deuils symboliques. Le processus de deuil engagé, comme dans tout deuil chamboule et transforme.

Ceci est à prendre en considération dans l'accompagnement d'un adolescent. Il nous faut reconnaître derrière ses excès, ses silences, ses révoltes même, la possible présence d'un deuil. Il nous faut nous rappeler que chaque renoncement ouvre une porte, chaque perte trace le chemin de l'adulte en devenir.


Note aux lecteurs : mes articles sont rarement courts mais j'avoue que sur ce sujet primordial à mes yeux, je me suis laissée porter et emporter… c'est pourquoi cet article de blog se scindera en 3 volets :


  • Adolescence : les petites morts qui préparent à la vie adulte

  • Adolescence : les grands deuils symboliques

  • Adolescence : accompagner les deuils symboliques


Voici le premier volet…



Le processus de deuil réel appliqué aux deuils symboliques



Nous parlons souvent du deuil en pensant uniquement à la mort d'un proche. L'association se fait spontanément. Pour ceux qui lisent régulièrement mes articles ici ou mes posts sur Facebook, vous savez que pour moi le processus de deuil ne se limite pas à cette expérience. Je l'associe aussi aux deuils symboliques. Il concerne ainsi des pertes moins visibles, qui paraissent anodines et qui pourtant sont bouleversantes. Elles génèrent des douleurs sourdes travaillant en sous-marin et surgissant des années plus tard.


Chaque période de vie porte son lot de deuils symboliques, nous pouvons évoquer ici le fait de quitter la petite enfance pour entrer à l'école, changer de lieu de vie, renoncer à des projets etc. mais j'avoue que l'adolescence en est un terrain privilégié. En effet, elle concentre, en peu d'années une succession de bouleversements majeurs.


Dans les deuils symboliques, le processus psychique naturel engagé reste le même que dans un deuil réel. Il induit bien des mécanismes de défense (intellectualisation, évitement, rationalisation…) – j'avais écrit un article de blog à ce sujet -, ainsi que des mouvements émotionnels intenses.

D'un point de vue simplifié, nous retrouvons les étapes suivantes :


Le choc

Il apparaît lorsque l'adolescent prend conscience qu'un repère essentiel n'est plus. Cela peut être la découverte soudaine qu'il n'est plus un enfant, que son corps a changé ou que ses parents ne sont plus aussi « parfaits » que ce qu'il imaginait. C'est un moment de bascule, parfois discret, parfois brutal pouvant amener jusqu'à la sidération. Combien de jeunes filles et de jeunes garçons ne se reconnaissent plus dans le miroir lorsque leur corps change.


Le déni

Le refus d'accepter le changement se manifeste dans l'attachement à ce qu'il a perdu. L'adolescent oscille alors entre comportements régressifs et revendications d'indépendance. C'est un peu comme s'il tentait de retenir un état qui lui échappe. J'ai remarqué que beaucoup de jeunes adultes dorment encore avec leur doudou. Pour autant, ils refusent d'être traités comme « des enfants ».


La colère

Elle se traduit souvent par des conflits, des oppositions allant jusqu'à des ruptures relationnelles. Cette colère exprime la douleur de la perte, la peur, le sentiment d'impuissance associé et la difficulté à nommer ce qui se passe. « Laissez-moi être moi ! », ce combat intérieur se cache très souvent derrière les violentes disputes autour des règles familiales, souvent jugées disproportionnées.


La tristesse

Cette émotion et cette étape est plus silencieuse, elle se cache parfois derrière l'isolement, l'apathie ou le désintérêt. Elle se montre néanmoins dans la présence d'un état qualifié de dépressif. Elle traduit la peine de devoir renoncer à une part de soi ou à un rêve. La perte de son monde d'enfant peut pousser l'adolescent à s'enfermer dans sa chambre et à ne plus « avoir envie de rien ».


L'acceptation

Elle s'installe peu à peu, quand l'adolescent reconnaît que ce qui est perdu ne reviendra pas et qu'il commence à s'investir dans cette nouvelle réalité et se saisir des nouvelles opportunités. C'est le moment où les nouvelles capacités se découvrent comme la force, l'endurance ou la séduction.



Portrait en noir et blanc d’une femme souriant avec une larme sur la joue, symbole de la complexité des émotions mêlant joie et douleur.


La réorganisation

C'est le moment où de nouveaux repères se construisent, où l'adolescent commence à créer son identité, ses valeurs, son rapport au monde en tenant compte de sa nouvelle réalité. Il ne s'agit plus seulement de survivre à la perte mais de s'inventer autrement. Je pense à ce moment charnière vécu par Abraham lorsqu'il a transformé son rêve irréalisable – devenir footballeur professionnel- en une passion durable et satisfaisante, jouer en club, devenir entraîneur et trouver une autre voie professionnelle tout en gardant le sport comme pilier.


J'ajouterai, par rapport au processus engagé, qu'une évolution saine de ce dernier est accompagnée d'une oscillation entre les deux sphères de la nouvelle réalité en construction : la sphère de la perte et la sphère de réinvestissement. Parfois l'adolescent s'abandonne à la tristesse ou la colère, parfois il réinvestit l'avenir avec énergie et enthousiasme. Ce mouvement là de va-et-vient est normal et indispensable.



Pourquoi cette lecture change tout


Comprendre que ces étapes peuvent s'appliquer aussi aux deuils symboliques permet de mieux appréhender les réactions parfois déroutantes des adolescents et d'y poser un regard plus juste. Derrière un excès, une révolte ou un repli, il n'y a pas seulement « un mauvais caractère » ou « un caprice », il y a une profonde métamorphose accompagnée par un processus de deuil. Comme tout deuil, il n'est pas linéaire, il demande du temps, du soutien et de la bienveillance pour être traversé.


En posant ce regard, nous changeons déjà notre manière d'accompagner. L'adolescent n'est plus « en crise », il est engagé dans un travail psychique puissant et nécessaire pour devenir adulte.



Silhouette d’un adolescent assis face à un ciel cosmique aux couleurs tourbillonnantes, contemplant une lumière éclatante, symbole de quête intérieure et de transformation.


Dans le prochain article, je vous présenterai plus en détail les grands deuils symboliques de l’adolescence : le deuil de l'enfance, la fin de l'idéalisation des parents, de l'innocence, de l'omnipotence infantile, des repères stables et des rêves. Ces pertes, profondément marquantes, éclairent d’un jour nouveau, le comportement parfois déstabilisant de nos adolescents.


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Invité
25 août
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