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Adolescence : accompagner les deuils symboliques


Main posée sur la nuque lors d’une étreinte, en noir et blanc, symbole d’accompagnement, de soutien et de transmission entre générations.


Nous pourrions croire que les pertes symboliques successives de l'adolescence ne laissent derrière elles que du vide. Pourtant, chacun de ces deuils est une porte qui s'ouvre vers une transformation nouvelle. L'adolescent n'abandonne pas seulement ce qui était, il avance vers ce qui vient.


En écrivant les deux premiers articles que vous pouvez retrouver ici, j’ai mesuré à quel point le sujet des deuils symboliques adolescents était vaste et essentiel. J’aimerais maintenant poursuivre la réflexion, non plus seulement en décrivant ce qui se perd mais en mettant en lumière ce vers quoi ces pertes conduisent et la façon dont nous pouvons accompagner ce passage.



Le deuil symbolique comme porte vers le changement


Quand chaque perte ouvre sur un possible…

Le deuil de l'enfance ouvre sur la découverte d'un corps différent, porteur de désirs, de force et d'expériences inédites. Au fil du temps, ce corps échappant à tout contrôle, devient un allié, un moyen d'expression.


Le deuil des parents idéalisés est douloureux. Il permet cependant de voir les adultes autrement, tels qu'ils sont réellement, avec leurs failles et de commencer à s'appuyer sur d'autres repères, plus variés, ouvrant ainsi à de multiples figures d'identification.


Le deuil de l'innocence est difficile aussi. Il permet d'apprendre à regarder le monde avec lucidité et à trouver en soi des ressources pour y faire face. Il accompagne à sortir d'une certaine forme de naïveté. Le monde se révèle alors plus complexe, injuste ou violent. Cette confrontation au monde adulte offre d'apprendre à discerner, choisir et à garder malgré tout confiance en l'avenir.


Les rêves déçus invitent à chercher des aspirations plus authentiques, plus alignées à la réalité. Ici, nous pouvons voir que le renoncement amène à ne pas baisser les bras, paradoxal non ?! Car il est toujours possible de façonner par l'expérience et le discernement des illusions en désirs concrets.


Ces pertes, déstabilisantes et souvent mal comprises jouent un rôle initiatique. Elles forgent la capacité à se réinventer. Elles préparent l'adolescent à affronter d'autres passages de vie, d'autres deuils, qu'ils soient symboliques ou réels. C'est le moment d'accompagner les pertes pour comprendre qu'apprendre à perdre, c'est aussi apprendre à renaître autrement.


Tout mon accompagnement est teinté de cette croyance : poser des mots sur ce processus pour reconnaître que l'adolescent n'est pas seulement en crise, que ce n'est pas une crise à subir. Il est avant tout dans une étape de construction à accompagner ; dans une phase précieuse qui peut lui permettre de comprendre ses fonctionnements et ses réactions… pour aller vers une autonomie plus globale.

Ces « petites morts » sont en fait des seuils à franchir pour se rapprocher de l'adulte qu'il est en train de devenir.

Ouverture en forme d’arche encadrée de rideaux bleus laissant apparaître la lumière, symbole de seuil, de passage et de transformation.



Accompagner les deuils adolescents : un enjeu partagé


Les deuils symboliques de l'adolescence ne se vivent jamais seuls. Même s'ils sont intimes, ils résonnent dans la famille, dans le cercle proche et dans la société tout entière.


Pour les parents

C'est parfois un véritable bouleversement d'accepter que leur enfant change, qu'il prenne de la distance, rejette, conteste, qu'il ne soit plus celui qu'ils ont connu. Ils vivent eux aussi un deuil lié à la perte de l'enfant dépendant et rassurant, proche. Ils doivent trouver une nouvelle façon d'être en lien, une façon de respecter l'autonomie naissante. Ainsi, ils oscillent entre le désir de protéger et celui de laisser grandir, ils cherchent l'équilibre entre le contrôle et la permissivité. Cet équilibre est mouvant, le reconnaître permet d'éviter une culpabilité excessive. Ce n'est pas toujours facile mais c'est vraiment une ouverture vers une relation différente où l'adolescent devient progressivement un partenaire de vie.


Pour les pairs

Quand je parle de pairs, je parle d'amis. Ils jouent un rôle central dans la période de l'adolescence. Ils deviennent d'ailleurs les premiers témoins et soutiens dans la traversée de ces deuils symboliques. Néanmoins, les liens amicaux sont aussi intenses qu'instables et parfois même marqués par des ruptures brutales ajoutant au deuil… du deuil. Il est important de pouvoir faire comprendre à l'adolescent la valeur et la fragilité de ces amitiés afin de lui offrir des repères précieux pour la suite de sa vie relationnelle.


Pour la société

L'enjeu est collectif. Il est de reconnaître que l'adolescence est un passage à part entière qui mérite d'être accompagné. Notre société manque cruellement de repères symboliques pour soutenir ces transformations. Avant les rituels de passage les accompagner, aujourd'hui les adolescents sont confrontés seuls à ces pertes, sans cadre collectif pour les aider à leur donner du sens et à poser la normalité de ce processus. Ils sont souvent « lâchés » pour franchir ce passage, or ils ont besoin d'être accompagnés. Par qui ? Par l'école, par des adultes de confiance, des professionnels, au cœur d'espaces de dialogue où leurs bouleversements trouvent un écho, une reconnaissance, une écoute neutre et compréhensive.


Pour chacun de nous

Ces deuils nous concernent tous parce qu'ils rejouent un processus universel, celui d'apprendre à perdre pour grandir. Chaque adulte, en observant ou en accompagnant un adolescent se souvient de ses propres renoncements. Il se souvient de l'abandon de certaines illusions, de ses premières relations amoureuses teintées de désillusion, de ses rêves laissés derrière lui… et aussi, de tout ce qu'il a su construire et dépasser… seul souvent. Et de se dire: « si j'avais su, si j'avais été soutenu, si j'avais compris… ». En se souvenant de notre adolescence, nous sommes plus aptes à comprendre et accompagner celle des autres. En reconnaissant cette période de transition, nous pouvons soutenir et transmettre aux plus jeunes que derrière chaque perte se trouve une possibilité de transformation et de créer sa vie.


Plusieurs mains d’adolescents levées et entrelacées, symbole de solidarité, de force collective et d’accompagnement partagé


Apprendre à perdre, apprendre à grandir


Pour conclure ces trois articles de blog, je dirais que l'adolescence est trop souvent réduite à une crise vécue comme une fatalité, une période de rébellion incompréhensible à subir.

Si nous regardons attentivement, nous pouvons y voir une succession de deuils symboliques importants et qui impactent. Ils nous parlent à leur tour de pertes, parfois passées inaperçues mais profondes : quitter l'enfance, ne plus idéaliser ses parents, abandonner certaines illusions, apprendre à se confronter aux limites. Il est temps de sortir de la croyance que « ces petites morts » ne sont que de simples caprices passagers car elles sont surtout le socle invisible sur lequel se construit l'identité propre à chaque adulte en devenir.


Peut-être que ces articles vous auront offert de poser un regard nouveau sur vos adolescents car derrière leurs silences, leurs excès, leur isolement ou leurs révoltes, il y a un véritable travail de transformation où tout se déconstruit laissant la place à la peur du vide et d'être incapable de construire son avenir. Chaque perte ouvre une porte vers une nouvelle étape, chaque renoncement trace un chemin vers davantage d'autonomie et d'authenticité.


J'aimerais vous proposer de prendre quelques minutes et de regarder en arrière « quels adolescents avez-vous été ? », d'être honnêtes pour observer comment vous avez été accueillis, accompagnés et guidés dans cette étape de transformation. « Avez-vous conscience que « votre » adolescent et vous, marchez des chemins parallèles de deuils symboliques ? Et que l'adolescence est une expérience commune de transformation ? ». Et maintenant de regarder devant vous et de vous demander « quel regard puis-je poser aujourd'hui sur les adolescents ou sur « mes » adolescents ? » et encore « que suis-je prêt à initier pour accompagner cette étape de vie, cruciale ? »


Chemin de sable traversant un champ doré et menant vers l’horizon, symbole de passage, de transition et d’avancée vers l’inconnu.

Lorsque j'accompagne des adolescents dans leurs deuils symboliques, je me dis que je suis en train de leur transmettre qu'ils sont porteurs de cette ressource première et fondamentale qu'est l'adaptabilité et que leur comportement répond à la normalité du processus engagé. J'invite les parents à se rendre compte qu'ils sont pris dans ce passage qui les emmène eux aussi à vivre des deuils par rapport à leur enfant, à leur histoire, à leur projections et leurs rêves aussi.

Il est si précieux de reconnaître la valeur de ces passages, de leur accorder de l'espace et du soutien car même si ces pertes sont nécessaires, elles n'en demeurent pas moins éprouvantes.


Avec cet article se clôt la série consacrée aux deuils symboliques de l’adolescence. J’espère qu’elle vous aura ouvert des pistes de réflexion et d’accompagnement. Je serais heureuse de lire vos retours, vos expériences, vos résonances autour de ce sujet. N’hésitez pas à partager vos pensées en commentaire ou à en parler autour de vous.


Et n'oublions pas que c'est dans le regard des adultes, des parents, des proches que l'adolescent peut trouver la confirmation que, derrière ce qu'il laisse et quitte, se prépare déjà l'adulte qu'il est en train de devenir.

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