Les mécanismes de défense dans le processus de deuil

La dernière journée de formation Suivi Thana avec le groupe en présentiel m'a inspiré cet article de blog. Aborder les étapes du deuil et les mécanismes psychiques de défense a apporté tellement de clarté à chaque participante, induisant une certaine compréhension de fonctionnements ancrés depuis bien longtemps.

Cela m'a donné envie de vous en parler, d'éveiller peut-être votre curiosité, ou encore d'éclairer quelques parts cachées encore dans l'ombre.

Le deuil : comprendre et accompagner la douleur

Même si le deuil est une expérience universelle, il reste profondément personnel. Perdre un être cher, que ce soit un membre de la famille, un ami ou un animal de compagnie, peut déclencher un tourbillon d'émotions intenses et parfois contradictoires.

Pour faire face à la douleur, notre esprit utilise divers mécanismes de défense. Ces stratégies inconscientes naturelles nous aident à naviguer à travers le processus de deuil. Elles protègent notre esprit contre les anxiétés, les conflits internes et les émotions justement douloureuses.

Ces mécanismes psychiques sont présents dans toute situation qui nous met à mal. Ils ont été introduits par Sigmund Freud, dont certains ouvrages en parlent. Ils jouent un rôle prépondérant dans notre équilibre mental et notre bien-être émotionnel.

Dans cet article, nous explorerons ensemble les mécanismes de défense couramment utilisés dans le deuil, mais pas que, et par de petites exemples, comment les reconnaître pour mieux les gérer.

Les étapes du deuil

Avant de plonger dans les mécanismes de défense, j'aimerais vous partager à nouveau les étapes dites classiques du deuil, telles que décrites par Elisabeth Kübler-Ross. Elisabeth Kübler-Ross a été la première, en tant que psychiatre à briser le mur du silence autour de la maladie et de la fin de vie. Elle a d'ailleurs écrit de nombreux ouvrages très intéressants.

Ces étapes ne sont pas linéaires et peuvent se chevaucher ou se répéter. Les mécanismes de défense trouvent leur place à chaque étape vécue.

• Le déni : refus initial de croire à la réalité de la perte

• La colère : sentiment de frustration et de colère face à la situation

• Le marchandage : tentative de négocier avec une puissance supérieure pour éviter la douleur

• La dépression : sentiment de tristesse profonde et désespoir

• L'acceptation : reconnaissance et acceptation de la perte

Les mécanismes de défense dans le deuil

Comme j'ai pu le dire plus haut, les mécanismes de défense ne sont pas spécifiques au processus de deuil, ce sont des stratégies inconscientes, que notre mental utilise pour faire face à des situations stressantes ou des émotions difficiles.

Ces mécanismes nous aident à maintenir notre équilibre psychologique en nous protégeant contre des sentiments ou des pensées trop douloureux. Ils sont souvent automatiques et peuvent varier en fonction des individus et des situations. J'ai remarqué qu'ils s'engagent toujours à rendre les événements, les pensées, les actes, les désirs et autres… acceptables.

Le déni

Il est souvent la première réaction face à la perte ou à la situation impactant. Le déni permet de retarder temporairement la douleur en refusant d'accepter la réalité. L'information reçue n'est pas traitée ou seulement partiellement.

Dans la période de deuil, cela arrive de continuer de parler de l'être cher au présent comme s'il était encore vivant. Ou encore, de vouloir téléphoner au défunt, de s'attendre à le voir chez lui.

La rationalisation

Elle consiste à trouver des explications logiques ou apporter des justifications pour la perte. C'est un processus par lequel une personne justifie ou explique ses actions, pensées ou sentiments de manière à les rendre acceptables ou logiques.

Récemment, j'échangeais avec une personne qui me disait avoir échoué à un examen. En partant de cet exemple, je dirais que si elle avait rationalisé, elle m'aurait dit qu'elle n'avait pas assez étudié, plutôt que de reconnaître ses limites.

Dans le deuil, cela peut se traduire par une phrase du type « Il était malade depuis longtemps, c'est mieux ainsi, au moins il ne souffrira plus ».

L'intellectualisation

Elle permet de se concentrer sur les aspects pratiques ou philosophiques de la perte, évitant ainsi de ressentir les émotions douloureuses. L'intellectualisation va utiliser des pensées abstraites.

Se plonger dans quelque chose permet cela, c'est le cas quand on se plonge dans l'organisation des funérailles ou la lecture d'ouvrages sur la mort ou le deuil.

Je me souviens d'une amie qui après une rupture, s'était plongée dans des lectures sur les relations amoureuses plutôt que de ressentir sa tristesse.

La projection

Elle consiste à attribuer ses propres sentiments ou pensées à autrui pour éviter de les reconnaître en soi. La projection nous amène à penser que l'autre est « comme nous » ou un « autre nous ».

Lorsqu'une personne vit un deuil, c'est assez fréquent qu'elle accuse les autres de ne pas être assez tristes ou de ne pas comprendre la douleur occasionnée par la perte.

Un autre exemple, hors deuil, peut éclairer plus précisément ce mécanisme. Une personne jalouse peut accuser son partenaire d'infidélité sans preuve, projetant sur lui ses propres sentiments de jalousie.

Le déplacement

Il permet de rediriger une émotion ou une impulsion (un élan). Dans le processus de deuil, c'est souvent la colère ou la tristesse qui sont redirigées vers des objets ou des personnes moins menaçantes.

Dans les exemples qui suivent, vous percevrez ce que « moins menaçant » signifie. Le choix du destinataire du déplacement induit que les risques sur les retours éventuels sont moindres.

Ainsi dans la stratégie engagée avec le mécanisme de déplacement, il est possible, dans le deuil de se mettre en colère contre des objets inanimés ou des situations sans rapport avec la perte.

En dehors du deuil, dans les accompagnements thérapeutiques, un exemple revient souvent : une personne en colère contre son patron déplace cette dernière en criant sur un collègue ou un membre de sa famille. Je trouve cet exemple très explicite c'est pourquoi je vous le partage ici.

La sublimation

Elle transforme des impulsions ou des désirs inacceptables en activités socialement acceptables. Dans le deuil, la transformation peut concerner des émotions mais aussi la douleur. Elles sont transformées par des activités créatives ou constructives.

C'est un mécanisme de défense qu'on va soutenir dans l'accompagnement, naturellement il est conscientisé et expliqué. Ainsi des espaces sont proposés afin d'écrire, de peindre, de modeler la terre etc.

Certains s'engagent aussi dans des activités caritatives en mémoire de l'être cher.

Les créations artistiques interpellent souvent. La question se pose rapidement « qu'exprime l'artiste ? » Il est possible qu'un artiste sublime ses frustrations en créant des œuvres d'art.

La régression

Elle consiste à revenir à un stade de développement antérieur, des comportements plus enfantins. Ceci amène à trouver du réconfort et éviter des situations stressantes.

L'apaisement peut être trouvé dans le fait de reprendre une peluche pour dormir, ou de reprendre des comportements de l'enfance. C'est assez fréquent, bien plus que ce que nous croyons d'ailleurs, qu'un adulte sous stress suce à nouveau son pouce ou pleure plus facilement.

La formation réactionnelle

Elle pousse à adopter des comportements ou des attitudes opposés à ceux que l'on ressent vraiment et que notre système juge bien évidemment inacceptables.

Aussi, nous nous retrouvons face à des personnes qui se montrent excessivement joyeuses ou insouciantes dans le but de masquer leur tristesse ou leur peur.

Il arrive parfois, autre exemple, qu'une personne qui ressent de l'hostilité envers quelqu'un se montre excessivement gentille pour masquer ses sentiments.

Le clivage

Afin d'éviter l'anxiété et la confusion par rapport à des sentiments contradictoires présents, ce mécanisme de défense amène à voir les choses en blanc ou en noir. Il apaise les tensions internes occasionnés par les contradictions mais il empêche aussi parfois de voir la réalité dans l'équilibre et ses nuances.

Je vous partage cet exemple qui, là encore, est assez fréquent. Lors du décès d'un proche, nous pouvons avoir des sentiments contradictoires au sujet du défunt. Une ambivalence se pose alors. Quand le clivage se met en place, une de ces deux possibilités s'impose alors :

• L'idéalisation avec une prise en compte uniquement des qualités en ignorant les défauts

• La diabolisation avec une focalisation sur les défauts en ignorant les qualités

Ce mécanisme est répandu : notion du bien et du mal. Je sais que cela va parler à un grand nombre de personnes.

Le refoulement

Il consiste à repousser du conscient, pensées, souvenirs ou désirs inacceptables dans l'inconscient. C'est l'un des mécanismes de défense les plus fondamentaux et les plus courants, celui aussi dont nous entendons le plus parler.

Une personne qui a vécu un traumatisme peut refouler les souvenirs de cet événement pour éviter de revivre la douleur.

Reconnaître et gérer les mécanismes de défense dans le deuil

Crédit - Or-photographie

Nous sommes à même de reconnaître nos mécanismes de défense mais savons-nous avoir le recul indispensable pour les gérer ? Pas évident, c'est pourquoi l'accompagnement d'un professionnel est judicieux et bénéfique. C'est d'autant plus vrai sur ce chemin où nous conduit le « vivre le deuil ».

Prendre conscience de nos réactions

C'est en observant et en soulignant nos comportements et nos pensées dans des situations que nous savons stressantes que nous pouvons déjà prendre conscience des mécanismes de défense.

Pour nous accompagner nous-mêmes à prendre réellement conscience de nos réactions, nous pouvons noter les schémas récurrents et essayer de comprendre ce qu'ils cachent.

Exprimer nos émotions

Essayer de reconnaître les émotions sous-jacentes aux mécanismes de défense. En parallèle, il nous faut nous demander ce que cela nous évite de ressentir.

Parallèlement, parler de nos sentiments avec des proches ou un thérapeute reste fondamental.

Être patient avec nous-même

Le deuil est un processus long et complexe. Il est essentiel de s'accorder le temps nécessaire pour traverser chaque étape. Ce n'est pas simple car nous souhaitons aller mieux et le plus vite possible. Il est vrai qu'accompagner le deuil avec un professionnel peut amener à une cicatrisation plus saine et plus rapide.

Chercher du soutien, consulter un professionnel

Les groupes de soutien, les thérapeutes et les amis peuvent offrir un espace sûr pour exprimer nos émotions et recevoir des conseils. Les thérapeutes, compétents dans le domaine, sont néanmoins recommandés pour nous aider à identifier et à travailler sur nos mécanismes de défense de manière constructive.

Développer des stratégies adaptatives

Être bienveillant envers nous-même. Pas toujours facile, dans un système où le jugement prédomine. Pour cela, nous avons la possibilité d'apprendre des techniques de gestion du stress comme la relaxation, la méditation, et d'accéder à des espaces permettant une activité physique bien souvent salvatrice.

Dans mes accompagnements, le fil conducteur reste de permettre aux personnes qui viennent en séance à reconnaître que le deuil est une expérience normale et humaine. Et que leurs réactions et fonctionnements sont légitimes, qu'il est nécessaire de les considérer comme tels et de les comprendre.

Crédit - A. Courcel

Les mécanismes psychiques de défense sont des outils précieux pour notre survie émotionnelle, mais ils peuvent aussi devenir des obstacles à notre croissance personnelle si nous ne les reconnaissons pas et restons enfermés dedans. En comprenant et en gérant ces mécanismes, nous pouvons améliorer notre bien-être mental et vivre une vie plus authentique et épanouie.

Ces derniers jouent un rôle crucial dans le processus de deuil, nous aidant à naviguer à travers des émotions intenses et souvent accablantes. En reconnaissant et en comprenant ces mécanismes, nous pouvons mieux prendre en charge notre douleur et avancer vers l'acceptation.

Peut-être que vous traversez un deuil ou vous reconnaissez dans certains de ces mécanismes, n'hésitez pas à chercher du soutien. Ensemble, vous dans la connaissance que vous avez de vous-même et moi, en tant que thérapeute thanadoula, nous explorons des stratégies adaptatives et constructives pour vous accompagner dans ce voyage émotionnel.