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La réalité de la mort


Dans cette image poignante, deux femmes sont au sol, enlacées l'une dans les bras de l'autre. L'une semble offrir un réconfort à l'autre, dans un moment de vulnérabilité partagée. Cette scène évoque la fragilité de la vie et la réalité inéluctable de la mort, qui transforme nos perceptions et nos croyances. Elle nous rappelle que, face à l'inévitable, c'est souvent dans les bras des autres que nous trouvons la force et le réconfort.



Quand la mort vient bouleverser nos perceptions, croyances et priorités


La mort est une réalité qui nous confronte tous, indépendamment de notre âge, de notre culture ou de notre statut social. Elle reste cependant pour beaucoup, pour ne pas dire pour tous, un concept, une idée. Nos mécanismes de défense psychiques nous protègent de cette réalité qui reste inacceptable et surtout hors contrôle. Face à ce concept, nous sommes souvent plein de certitudes quant à nos perceptions, nos croyances et même nos priorités.

De nombreuses réflexions sur la réalité de la mort peuvent nous amener à changer de point de vue sur chacune de ces notions (réf. Formation Suivi Thana), cependant notre système arrive encore à la mettre à distance.

La mort ne devient un élément concret de notre vie qu'avec une annonce réelle que le temps de cette vie est compté.

Il n'y a pas, pour moi, de bonne ou de mauvaise façon d'aborder la mort. Et, tout au long de mon parcours professionnel, j'ai pu constater que ce qui est vrai ou bon pour l'un ne l'est pas forcément pour l'autre.


Comme je le dis à chaque fois, la mort est un sujet universel qui nous touche tous, mais qui reste souvent tabou dans nos conversations quotidiennes. Nous avons tous des idées préconçues sur la manière dont nous réagirons face à la mort, que ce soit la nôtre ou celle de nos proches. Nous nous disons que nous serons forts, que nous prendrons des décisions éclairées, que nous saurons quoi faire, quoi dire ou bien au contraire, nous nous pensons incapables de surmonter une telle épreuve.


Lorsque nous sommes réellement confrontés à la mort, nos certitudes semblent s'évaporer, s'évanouir, laissant place à une réalité parfois bien différente.



Cette image en noir et blanc capture un moment introspectif où une femme pose son visage dans ses mains. Cette posture évoque une profonde réflexion, peut-être sur la nature éphémère de la vie et la transformation des illusions face à la réalité de la mort. Elle nous invite à contempler comment nos perceptions et nos croyances évoluent lorsque nous sommes confrontés à l'inévitable, nous poussant à chercher un sens plus profond dans notre existence.


Les certitudes illusoires, la réalité de la mort


Dans notre esprit, nous avons souvent des scénarios tout prêts. Nous imaginons que nous aurons le courage de dire adieu, que nous saurons comment gérer les formalités, prendre les bonnes décisions médicales ; nous pensons que nous n'aurons pas la force de gérer les contraintes imposées par une telle situation, que nous nous écroulerons face à tant de douleur sans pouvoir nous relever, etc.

Ces certitudes nous rassurent et nous donnent l'illusion de contrôler l'incontrôlable. Elles nous permettent de croire que nous sommes préparés, que nous savons comment agir et réagir. Elles nous invitent à imaginer que d'autres prendront à leur charge les responsabilités inévitables.


Cependant lorsque la mort devient une réalité concrète, nos repères changent radicalement. Plusieurs facteurs expliquent cette transformation, dans un sens comme dans l'autre. Le côté abstrait de la mort est remplacée par une réalité tangible, inéluctable et immédiate. Tant que la mort reste une notion théorique, nous pouvons nous accrocher à des idées et des plans qui nous semblent logiques, cohérents et abordables. Mais quand nous sommes confrontés à la perte imminente d'un être cher ou à notre propre mort, l'émotion prend le dessus et nos pensées rationnelles sont souvent submergées par un flot de sentiments intenses.


De plus, la mort concrète nous confronte à l'incertitude et à l'imprévisibilité de la vie. Nos scénarios tout prêts sont basés sur des hypothèses et des généralisations qui ne tiennent pas toujours compte de la complexité et de la singularité de chaque situation. Un exemple simple et fréquent, celui de la gestion des formalités administratives que nous pensons pouvoir assumer et qui, une fois pris dans le tourbillon de la fin de vie ou de la mort, devient insurmontable. Tout devient stressant et compliqué : la paperasse, les délais à respecter, les décisions à prendre etc. La réalité est bien souvent plus complexe et plus exigeante que ce que nous avions imaginé.


Enfin, la mort concrète nous rappelle notre propre vulnérabilité et notre humanité. Nous réalisons que, malgré nos efforts pour tout contrôler, il y a des aspects de la vie qui échappent à notre maîtrise. Elle nous invite à accepter nos limites et à trouver du réconfort dans l'instant présent, plutôt que de nous accrocher à des certitudes illusoires.



Dans cette image évocatrice, une silhouette se tient au seuil d'une grotte sombre, baignée par une lumière éclatante à l'entrée. Cette scène symbolise le passage de l'obscurité à la lumière, illustrant la démarche de sortir de l'illusion pour accepter la réalité de la mort. Elle nous rappelle que, malgré les ténèbres de l'inconnu, il existe une clarté à trouver dans l'acceptation de notre finitude, nous invitant à embrasser la vérité de notre existence éphémère.


La réalité de la confrontation


Quand la mort frappe à notre porte, comme on dit, tout change. Les émotions prennent le dessus, et nos plans soigneusement élaborés semblent d'un seul coup dérisoires. J'ai déjà eu plusieurs fois le récit de personnes qui avaient toujours cru qu'elles seraient capables de prendre des décisions notamment médicales pour un parent, malade ou âgé. Et qui une fois dans la salle d'attente, les mains tremblantes, le cœur lourd, ne se sentaient plus en mesure de confirmer leur choix en pensant qu'il pourrait être le mauvais.


La peur, la tristesse, l'incompréhension et le désespoir peuvent submerger même les plus stoïques d'entre nous. Je pense là au père d'une amie. Il avait toujours été le pilier de sa famille, celui sur qui tout le monde comptait en cas de crise ou de problème. Lorsqu'il apprit le diagnostic terminal de son épouse, il se retrouva incapable de poser les mots pour l'annoncer à ses enfants et les réconforter. Ses larmes, m'avait-elle dit, coulaient sans qu'il puisse les retenir. Les rôles s'étaient alors inversés, mon amie prit, à sa grande surprise d'ailleurs, ce rôle car lui, se sentait vulnérable et impuissant.


Les décisions que nous pensions évidentes deviennent soudainement complexes et douloureuses. Parfois c'est l'inverse qui se produit, nous sommes portés par une force intérieure inexplicable mais bien réelle. Elle nous amène à jouer un rôle inédit et surprenant, venant nous révéler des ressources insoupçonnées.

Ce n'est pas rare de voir une personne en pleine santé, sûre de ne pas vouloir de réanimation pour elle-même et pour ses proches, être déchirée et rongée par le doute et la culpabilité face à la décision de débrancher un être cher.

Ces certitudes que nous croyons inébranlables et valables pour tous, s'effritent sous le poids de la réalité. Et inversement, certains, priant de ne pas avoir à prendre ce genre de décision se découvrent sûrs d'eux et en mesure de poser des décisions claires et franches dès la demande formulée.

Impermanence.


Cette image de dunes de sable, constamment remodelées par le vent, illustre l'impermanence de la vie. Les motifs éphémères tracés sur le sable nous rappellent que tout est en perpétuel changement, et que rien ne reste figé. Comme les dunes, nos vies sont façonnées par les forces invisibles du temps et des circonstances, nous invitant à apprécier chaque moment présent


L'acceptation de l'incertitude


Face à cette réalité, il est essentiel de reconnaître que l'incertitude fait partie intégrante de l'expérience humaine. La vie est parsemée d'imprévus et de mystères qui échappent à notre contrôle. Accepter cette vérité fondamentale, c'est admettre que nous ne pouvons pas tout maîtriser, et c'est un premier pas vers une approche plus sereine de la mort. En effet, la mort, comme beaucoup d'autres aspects de notre existence, reste empreinte de mystère. Plutôt que de nous accrocher à des certitudes illusoires, nous pouvons apprendre à vivre avec l'inconnu, à accepter que nos réactions et nos décisions seront influencées par le moment présent, les circonstances changeantes et par les émotions qui nous traversent.


Vivre avec l'inconnu, c'est aussi cultiver une certaine flexibilité mentale et émotionnelle. Cela implique de développer notre capacité à nous adapter (article de blog sur l'adaptabilité), à faire face aux surprises et à trouver un équilibre même dans l'incertitude. En acceptant que nous ne pouvons pas tout prévoir, nous ouvrons la porte à une plus grande paix intérieure. Nous apprenons à apprécier le moment présent, à savourer les petites joies et à trouver du réconfort dans l'impermanence même de la vie.


Je me demande si accepter l'incertitude, ce n'est pas aussi accepter notre humanité. Ce serait reconnaître que nous sommes tous vulnérables, que nous partageons les mêmes craintes et les mêmes espoirs, et que ce serait précisément cette vulnérabilité qui nous unit. En apprenant à vivre avec l'inconnu, nous pouvons trouver une forme de sérénité, une paix qui ne dépend pas des certitudes, mais de notre capacité à embrasser pleinement l'expérience humaine dans toute sa complexité et sa beauté.



Cette image saisissante montre une silhouette solitaire marchant à travers un désert de dunes de sable, enveloppée dans une robe traditionnelle. La poussière soulevée par ses pas évoque le passage du temps et les défis de la vie. Cette scène illustre la complexité et la beauté de l'expérience humaine, où chaque pas en avant, malgré les obstacles, révèle la résilience et la grâce de l'âme humaine face à l'immensité de l'existence.


Trouver du réconfort dans l'instant présent


Nous nous focalisons sur ce que nous pensons savoir, cela nous empêche quelque fois de trouver du réconfort dans l'instant présent. Pourtant le moment présent est le seul espace sur lequel nous ayons une réelle prise. Profiter de chaque instant, exprimer notre amour et notre gratitude, et vivre pleinement chaque journée peuvent nous aider à affronter l'inévitable avec plus de sérénité. La mort, bien que douloureuse et redoutée, peut aussi être une source de réflexion sur ce qui compte vraiment dans la vie. Elle nous rappelle l'importance des relations, des expériences partagées et des petits bonheurs du quotidien.


Dans cette perspective, l'approche d'une thanadoula, ou accompagnatrice en fin de vie, prend tout son sens. J'ai écrit à ce sujet un certain nombre de fois, les articles se retrouvent ici. Une thanadoula est une professionnelle formée pour créer un environnement harmonieux, permettant à la personne en fin de vie de vivre cette étape ultime dans le confort et le réconfort. Elle offre un soutien émotionnel, spirituel et pratique, non seulement à la personne mourante mais aussi à ses proches. En créant un espace de paix et de respect, la thanadoula aide à transformer cette période de transition en un moment de connexion profonde et de sérénité. Sa présence se pose comme un point d'ancrage, une réassurance des croyances, des convictions et des choix éclairés faits en amont, elle peut être ce point d'appui qui permet leur expression.


J'ajoute que face à cette difficulté à rester connecté à l'assurance de nos décisions et de nos valeurs, des démarches sont possibles, notamment la déclaration des directives anticipées, la déclaration d'une personne de confiance qui saura confirmer vos décisions et de vous épauler si besoin, la notification des dernières volontés. Aujourd'hui, nous sommes en mesure de poser la sécurité nécessaire au respect de nos volontés et nos croyances, c'est ce que nous faisons ensemble lors des rendez-vous de planification.



Dans cette scène touchante en plein air, une femme, la tête penchée vers le sol, semble plongée dans une profonde réflexion ou une douleur silencieuse. À ses côtés, une autre femme lui offre un réconfort en restant près d'elle, lui parlant tout bas avec douceur. Cette image illustre la nécessité de se faire accompagner par une thanadoula, qui aide à créer un environnement harmonieux pour accueillir la mort dans la sérénité et le respect. La présence rassurante et les mots apaisants de la thanadoula permettent d'aborder ce moment ultime avec dignité et paix.


Pour conclure, j'aimerais vous partager ce que la mort peut avoir de beau en vous relatant ce dont j'ai été le témoin.

J'ai eu l'immense privilège d'accompagner une dame à la demande de sa fille, une dame en fin de vie, au regard plein de douceur et d'une sagesse nouvelle. Leur relation avait toujours été houleuse et difficile, pourtant le temps accordé de cette fin de vie leur a permis de se rencontrer autrement, et tout a changé : les doutes, les douleurs et les rancœurs ont laissé place à l'attention, la présence et l'échange. Leur lien d'amour a su les guider dans cet espace pourtant chargé d'émotions où les au revoir devaient se faire.

Tant de beauté !


Et associer à cet article de blog des extraits du livre « Leçons de vie » d'Elisabeth Kübler-Ross et David Kessler – Édition Pocket


p. 45


« Il y a quelques années de cela, j'ai fait la connaissance d'un jeune garçon plein d'amour et de vie, bien que déjà en phase terminale. Âgé de neuf ans, il souffrait d'un cancer depuis l'âge de trois ans. Un jour, à l'hôpital, je l'ai observé un instant et j'ai compris qu'il avait cessé de se battre. Il en avait assez. Il avait accepté la réalité de sa situation. A ma grande surprise, il m'a demandé de l'accompagner chez lui. Tandis que je jetais un coup d’œil à ma montre, il m'assura que cela ne serait pas long. Un peu plus tard, je garais donc ma voiture devant sa maison. Il demanda à son père de lui apporter son vélo, qui était rangé dans le garage depuis trois ans. Son plus grand rêve – qu'il n'avait jamais été en mesure de réaliser – était de faire, une seule fois, le tour du pâté de maisons. Il demanda à son père de placer les roues stabilisatrices sur sa bicyclette. Ce que s'apprêtait à accomplir ce petit garçon requerrait un grand courage : il est humiliant d'être vu avec des roues stabilisatrices quand vos petits copains jouent les cascadeurs sur leur propre vélo. Les larmes aux yeux, son père lui apporta sa bicyclette.

Ensuite, le garçon se tourna vers moi et me dit : « il faut que tu retiennes ma mère ».

Vous savez comment sont les mamans : elles veulent constamment préserver leurs enfants. La sienne voulait le tenir pendant qu'il faisait son tour, mais cela aurait privé le garçon d'une grande victoire. Elle comprit toutefois qu'une des dernières choses qu'elle pouvait faire pour son fils était de refréner, par amour pour lui, son envie de le protéger pendant qu'il relevait son dernier grand défi.

Nous avons attendu son retour. Cela nous a semblé une éternité. Puis, il est apparu au coin de la rue, luttant pour farder son équilibre. Il était livide et totalement épuisé. Personne ne l'en aurait cru capable. Il est venu jusqu'à nous, le visage rayonnant ; puis, son père a enlevé les roues stabilisatrices et nous avons porté l'enfant et son vélo à l'étage. »



p. 39


« […] Chaque soir, lorsque je rentrais à la maison, je le trouvais assis sur la table de la cuisine, portant cet horrible Tee-shirt délavé qu'une de ses copines lui avait donné.  J'avais toujours peur que mes voisins ne le voient avec cette horreur et pensent que j'étais pas capable d'habiller correctement mes enfants. […] Chaque soir, je lui faisais des remarques, en commençant par « ce tee-shirt »... […] Ensuite, je me suis dit : « Si mon fils mourrait demain, aurais-je bien rempli mon rôle de mère ? » […] Quelque chose m'a frappée : j'étais prête, s'il venait à disparaître, à l'aimer pour ce qu'il avait été et pour ce qu'il avait lui-même aimé, mais je n'étais pas disposée à lui faire ce cadeau de son vivant. J'ai alors compris que ce tee-shirt avait une énorme importance pour lui. […] Ce soir-là, quand je suis rentrée, je lui ai dit qu'il pouvait porter ce tee-shirt autant qu'il le souhaitait. Je lui ai dit que je l'aimais tel qu'il était. […] »



La mort nous confronte à nos limites et à notre vulnérabilité. Elle nous met face aussi à nos force et notre adaptabilité.

Elle nous rappelle que, malgré nos certitudes, nous sommes tous humains et que nos réactions face à l'inévitable sont imprévisibles.

En acceptant cette réalité, nous pouvons apprendre à vivre avec plus de compassion, de gratitude et de présence. La mort n'est pas seulement une fin, c'est aussi une invitation à vivre pleinement et authentiquement. Bien que difficile à appréhender, elle peut aussi devenir une occasion de célébrer la vie et de chérir chaque instant passé avec ceux que nous aimons.

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