La capacité d'adaptation chez l'humain : ressource première
« Ce qui fait l'homme, c'est sa grande faculté d'adaptation » - Socrate

Je reste fascinée par la force que nous apporte notre ressource première : l'adaptabilité.
C'est la première que nous engageons en venant au monde, en disant oui à la vie. Lorsque nous naissons nous ne savons pas ce qu'est la vie et encore moins ce qu'elle nous réserve… il en est de même en quelque sorte pour la mort, un passage vers quelque chose d'inconnu, sans savoir ce qui nous attend.
C'est cette capacité d'adaptation aussi qui nous maintient à flot lorsque nous vivons un décès ou lorsque nous devons nous engager sur ce dernier bout de chemin qu'est celui de la fin de vie.
La capacité d'adaptation chez l'humain : le filet de sécurité
Il me semble que l'adaptabilité est une capacité innée. En effet, nous voyons bien à la naissance comment le nourrisson s'adapte au nouvel environnement qui l'accueille. Tout y est différent, tout y est inconnu et pourtant… le corps même, en totale autonomie le plus souvent, sait s'accommoder à cette nouvelle réalité.
Certains diront que ce n'est pas inné pour tout le monde. Je ne suis pas d'accord avec ça. Je pense que comme beaucoup de ressources, elle n'est pas valorisée voire reconnue et donc qu'elle ne peut pas être exploitée à sa juste mesure.
Alors il est précieux de choyer et d'accompagner cette ressource à grandir, prendre sa place dès le plus jeune âge.
Comment ? Une des pistes que je propose lors de mes accompagnements est de reconnaître que les pertes vécues par l'enfant sont un véritable effondrement de sa réalité et que ce dernier est naturellement capable de supporter, de s'adapter à ces pertes et de continuer d'avancer.
Afin que ce mécanisme soit accompagné et intégré, il nous faut nous donner la possibilité de considérer sa réalité, d'accueillir ses émotions qui sont réelles et valoriser les solutions qu'il a su trouver par lui-même ou celles dont il a su se saisir.
Je vous raconte ici un exemple banal qui vous parlera très certainement : « Mon fils, âgé à l'époque de peut-être 3 ou 4 ans jouait devant l'école avec un bout de bois qu'il avait trouvé. La fille de la personne avec qui je parlais, tout juste plus jeune que lui, voulait lui prendre ce bâton et finit par y arriver. Mon fils, mécontent et très triste se mit à pleurer et moi, de lui répondre que ce n'était rien, ce n'était qu'un morceau de bois et qu'il en trouverait un autre. »
A l'époque, je n'avais rien compris et surtout je n'avais pas pris la peine de considérer tout ce qui se vivait pour lui, tout ce que représentait ce bâton, non « son » bâton, celui qu'il avait trouvé, choisi, tout ce qu'il avait investi en relation à son bout de bois… c'était tout son monde qui s'écroulait violemment dans un vol autorisé par la non intervention des adultes, garants de la justice et de la sécurité. Ma seule intervention, à ce moment-là avait été de banaliser ce qu'il avait vécu en me focalisant sur la nature du bout de bois plutôt que sur la sienne et sur ce qu'il vivait réellement.
Ceci est un exemple parmi tant d'autres. Et je sais qu'il viendra éveiller des souvenirs chez chacun de vous, en tant que parents mais aussi en tant qu'enfants. Ici, je n'avais pas conscience des enjeux de cet événement. Je reconnais et vous l'accorde même qu'il y a dans cette « banale » situation, bien plus d'enjeux que ceux induits par la perte.
Il y a aussi toutes ces fois, où nous n'avons pas vu ou pas su valoriser le fait que notre enfant, face à une perte (doudou, ami, statut etc.) a réussi à surmonter sa peur, supporter sa tristesse, dépasser sa colère. Combien de fois n'avons nous pas pris le temps de souligner son courage, sa faculté à s'habituer… sa capacité à s'adapter.
Je reste persuadée qu'en portant ce regard bienveillant sur les étapes vécues par nos enfants, qu'en laissant la place à la considération de ce qui les traverse - car leurs émotions sont réelles et sincères - et si nous nous placions à côté d'eux pour les accompagner… la peur de perdre aurait une tout autre saveur pour eux et perdrait de sa superbe dans leur construction.

L'intégration de la reconnaissance de l'adaptabilité comme une ressource réellement expérimentée depuis notre conception se poserait alors comme un filet de sécurité. Je donne souvent cette image du chapiteau de cirque à l'intérieur duquel une corde est tendue dans les airs et sous laquelle un filet de sécurité est en place pour permettre au funambule de marcher et de danser sereinement. Le filet permet même de rebondir et parfois de remonter sur la corde après une chute. Imaginez si nous étions assurés que ce filet existe, qu'il peut nous rattraper et même nous remettre à notre juste place dans notre cheminement, alors nous nous sentirions plus libres, nous ne vivrions pas chaque plus comme un risque vital aux conséquences définitives.
La capacité d'adaptation chez l'humain : le lien à la vie
Partons du postulat que nous n'avons pas reçu cette éducation, enfin pas totalement. Nous pouvons néanmoins constater que cela ne nous prive en rien de cette ressource. Nous gardons et surtout mobilisons dans nos comportements cette compétence. Notre capacité d'adaptation reste, même dans l'anonymat le plus complet une compagne de route. Elle nous permet d'accepter les changements et d'adopter les stratégies à cet effet.
Plus j'avance dans cet article de blog et plus je ressens que l'adaptabilité serait bien plus qu'une ressource, elle pourrait être un « état d'être ». C'est vrai ! Elle est partout et en tout : dans notre corps, dans notre psychisme, à l'intérieur de nous, à l'extérieur, dans notre interaction avec les autres, avec le monde.
Réflexion : Se pourrait-il qu'elle soit la vie qui circule en nous ?
Ce qui se pose comme une certitude pour moi, en tout cas, c'est qu'elle est le lien à la vie. Par sa présence active, nous vivons ; par son absence, nous mourons.
Cette capacité d'adaptation joue un rôle primordial dans notre corps et dans notre « tête ». Lorsque nous ne sommes plus en mesure de nous adapter, c'est la rupture. Cette dernière peut toucher plusieurs domaines : notre corps, nos relations, notre situation professionnelle, la relation à nous-même. Cette dernière n'est pas toujours violente, elle peut se vivre comme une lame de fond qui vient peu à peu élimer les fondations.
La capacité d'adaptation chez l'humain : la fin de vie
La capacité d'adaptation en fin de vie m'impressionne toujours. Quand je dis qu'elle m'impressionne, c'est dans le sens qu'elle m'émerveille. L'adaptabilité donne la main à la volonté de la personne en fin de vie, à cette volonté quelle qu'elle soit : elle soutient l'envie de vivre et de se sentir vivant jusqu'à la fin pour certains, elle accompagne les choix parfois difficiles mais profondément ancrés pour d'autres. L'adaptabilité vient et se révèle chez l'entourage, avant et après le décès de leur proche amenant souvent une beauté touchante, teintée de pudeur et de respect... d'amour surtout.
Cette capacité d'adaptation est aussi une compétence précieuse dans mon accompagnement que ce soit dans le domaine thérapeutique ou dans celui de la fin de vie. Peut-être encore plus dans le second, non pas dans la nature de l'accompagnement en lui-même mais plus dans le temps accordé à l'accompagné et par rapport à l'environnement dans lequel se font les rencontres.
« Il n'existe pas de problèmes dans la nature mais seulement des solutions car l'état naturel est un état adaptatif donnant naissance à un système cohérent. » - René Dubos

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